Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous la forme d’une pluie très fine qui s’amassait comme la rosée sur les capotes des voyageurs.

Un bruit lointain et des gémissements sourds se faisaient entendre parmi les montagnes éloignées, semblable à ceux par lesquels le mauvais esprit du Mont-Pilate avait paru annoncer la tempête. L’Italien pressa encore ses compagnons d’avancer ; mais en même temps il les empêchait de le faire par la lenteur et l’indécision qu’il montrait en les conduisant.

Après avoir parcouru de cette manière trois ou quatre milles que l’incertitude rendait doublement ennuyeux, les voyageurs s’engagèrent enfin dans un étroit sentier qui passait au bord d’un précipice. Ils apercevaient de l’eau au dessous d’eux, mais de quel genre était-elle ? Ils ne pouvaient s’en assurer. Le vent, il est vrai, qui commençait à se faire sentir par bouffées, balayait parfois le brouillard assez complètement pour leur montrer des vagues qui brillaient ; mais était-ce celles du même lac le long duquel ils avaient voyagé le matin, ou bien une autre surface d’eau différente, ou bien une rivière, un large ruisseau ? Les moments où ils pouvaient voir étaient trop courts pour qu’ils pussent le distinguer : toutefois ils étaient certains de ne plus se trouver au bord du lac de Lucerne, dans un endroit où ses eaux ont la largeur ordinaire, car les mêmes bouffées de vent qui leur montraient de l’eau au fond de la vallée leur permettaient d’apercevoir, par instants, la rive opposée, sans qu’ils pussent discerner exactement à quelle distance, mais assez près pour leur montrer de hauts rochers à pic et de vieux pins, tantôt réunis en groupes, et tantôt plantés solitairement sur les pointes qui dominaient l’eau.

Jusque là, le sentier, quoique rapide et raboteux, était assez clairement indiqué, et des traces manifestes montraient qu’il était suivi ordinairement par les cavaliers et les piétons. Mais tout-à-coup, au moment où Antonio avec le mulet venait d’atteindre une éminence avancée autour de laquelle le chemin faisait un angle aigu, il s’arrêta court avec son exclamation habituelle adressée à son saint patron. Arthur pensa que le mulet partageait la frayeur du guide, car il recula, mit ses pieds de devant à distance l’un de l’autre, et sembla, par l’attitude qu’il prit, annoncer sa détermination de résister à toute invitation d’avancer, en même temps qu’il exprimait son horreur et sa crainte pour le spectacle qui s’offrait à ses yeux. Arthur se hâta d’aller en avant, non seulement par curiosité, mais encore afin d’affronter lui-même le péril, s’il était possible