Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/34

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marche audacieuse, semblait si précaire, que même son compagnon payé osait à peine respirer en le suivant des yeux. La rampe qui le soutenait paraissait devenir tellement étroite à mesure qu’il avançait, qu’elle finit par ne plus être visible. Cependant il continuait toujours sa route, tantôt avançant la tête au dessus du précipice, tantôt regardant devant lui, tantôt levant les yeux au ciel ; mais ne s’aventurant jamais à jeter un regard au dessous de lui, de peur que la tête ne lui tournât à la vue d’un abîme aussi effrayant. Pour le père et le guide qui observaient sa marche, c’était moins celle d’un homme avançant à la manière ordinaire, et s’accrochant à quelque chose qui tient à la terre ferme, que celle d’un insecte grimpant sur la surface d’un mur perpendiculaire, dont les mouvements progressifs sont à la vérité sensibles, mais dont nous ne pouvons apercevoir les moyens d’appui. Ce fut donc amèrement, très amèrement, que le malheureux père se lamenta alors de n’avoir pas persisté dans son projet de faire adopter la mesure ennuyeuse et périlleuse même qui consistait à regagner l’habitation de la nuit précédente, en revenant sur leurs pas. Il aurait du moins alors voulu avoir partagé le destin du fils de sa tendresse.

Cependant le courage du jeune homme était énergiquement soutenu par sa ferme détermination de remplir sa dangereuse tâche. Il exerça un puissant empire sur ses idées, qui d’habitude étaient passablement vives, et refusa d’écouter, même un instant, aucune des appréhensions pleines d’effroi par lesquelles l’imagination augmente un véritable danger. Il s’efforça bravement de réduire tout ce qui l’entourait à l’échelle de la stricte raison, comme meilleur soutien du vrai courage. « Cette rampe de rocher, se représenta-t-il à lui-même, est sans doute étroite ; mais elle a encore assez de largeur pour me soutenir ; ces pointes et ces crevasses qui rompent la surface unie sont petites et éloignées ; mais les unes présentent à mon pied, pour qu’il s’y pose, un espace assez sûr, et les autres à ma main, pour qu’elle le saisisse, un objet aussi solide que si je me tenais sur une plate-forme large d’une coudée, et si j’appuyais mon bras sur une balustrade de marbre. Ma sûreté dépend donc de moi-même. Si mes mouvements sont hardis, mon pas ferme, et ma main vigoureuse, qu’importe que je sois plus eu moins près de l’ouverture d’un abîme ? »

Évaluant ainsi l’étendue de son danger d’après la mesure du bon sens et de la réalité, soutenu aussi par une certaine pratique des exercices de ce genre, le brave jeune homme accomplissait son ter-