Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/9

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du peuple, les possessions du temple furent conférées, par Louis-le-Pieux, à l’abbaye qui s’éleva sur son emplacement. La cour se composait de seize personnes, dont la charge était à vie. Le membre le plus âgé présidait comme Gerefa ou Graff. Le plus jeune remplissait les fonctions plus humbles de frohner ou surveillant ; les quatorze autres agissaient comme échevins. C’étaient eux qui prononçaient ou déclaraient tous les jugements. Quand l’un d’eux mourait, un nouveau membre était élu par les prêtres, parmi les vingt-deux races ou familles qui habitaient le Gan ou district, qui comprenaient tous les possesseurs héréditaires du sol. Ensuite, l’élection fut faite par les moines, mais toujours avec l’assentiment du graff et du frohner.

Le siège du jugement, le siège du roi, ou le kônigsstuhl, était toujours mis sur le gazon ; et nous savons, d’après un discours, que le tribunal était aussi élevé dans les champs communs de Gan, dans le dessein de vider les querelles relatives aux limites des terres. Le siège du roi était une partie du terrain de seize pieds de long sur seize de large ; quand le lieu était consacré, le frohner creusait une fosse dans le centre, et dans laquelle chacun des échevins libres jetait une pleine main de cendres, un charbon et une tuile. Si quelque doute s’élevait sur la place du jugement qui avait été régulièrement tenue, les juges cherchaient leurs signes ; s’ils ne les trouvaient pas, alors tous les jugements qui avaient été rendus devenaient nuls et sans effet. C’était aussi une règle de la Cour, qu’elle se tiendrait sous le ciel et à la lumière du soleil. Toutes les anciennes assemblées teutoniques judiciaires se tenaient en plein air ; on peut découvrir quelques restes de leur adoration du soleil dans l’usage et le langage de ce tribunal. Les formes adoptées dans la Cour en plein champ trahissent une singulière affinité avec les doctrines des bardes bretons, relativement à leurs Gorseddan ou conventions, qui furent toujours tenues en plein air, à la lumière du jour, à la face du soleil[1].

Lorsqu’on devait juger un criminel ou décider une cause, le graff et les free échevins s’assemblaient autour du Konigsstuhl ; et le frohner, après avoir ordonné le silence, ouvrait les poursuites en justice, en récitant les vers suivants :

« Sire graff, avec votre permission, je vous prie de dire, selon la loi et sans dé-

  1. Les Élégies de Lewarch, par Owen Pugh, préface, p. 46. La place de ces assemblées était marquée en formant un cercle de pierres autour du Maen Gorsedd ou pierre de Gorsedd.