Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/62

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trait une délicatesse semblable à celle de l’écuyer sans naissance qui fut honoré, si la chanson dit vrai, des sourires de la fille du roi de Hongrie. Ses sentiments pour la fille du gantier étaient vraiment aussi exaltés que s’ils se fussent adressés à un ange véritable ; ce qui donnait à penser au père Simon et à d’autres que cette passion était trop pure, trop religieuse pour réussir auprès d’une fille de la terre. Ils se trompaient pourtant : Catherine, toute modeste et réservée qu’elle était, avait un cœur capable de sentir et de comprendre la nature et la profondeur de la passion de l’armurier ; et qu’elle voulût ou non y répondre, en secret elle était aussi fière de l’attachement du redouté Henri Gow, qu’une héroïne de roman le serait d’avoir un lion dompté pour la suivre et pour la défendre. Ce fut avec des sentiments de la plus sincère gratitude qu’en se réveillant avec le jour elle se ressouvint des services de Henri durant le cours de cette nuit périlleuse ; et la première pensée qui lui vint à l’esprit fut d’aviser au moyen de lui témoigner cette reconnaissance.

Sortant à la hâte de sa couche en rougissant de sa résolution :

« Je me suis montrée froide à son égard et peut-être injuste, se dit-elle, je ne serai pas ingrate, quoique je ne puisse accueillir ses vœux ; je n’attendrai pas que mon père me force à le recevoir pour mon Valentin, j’irai trouver Henri et je le choisirai moi-même. D’autres filles m’ont paru hardies, quand elles en faisaient autant ; mais il me semble que, comme je mettrai par là mon père au comble de la joie, je puis accomplir ainsi les rites par lesquels on honore le bon saint Valentin, et témoigner ma gratitude à ce vaillant homme. »

Elle se vêtit à la hâte ; et sans mettre dans ses vêtements autant d’ordre qu’à l’ordinaire, elle descendit l’escalier et ouvrit la porte de la chambre où, comme elle le pensait, son amant était resté depuis le combat de la nuit. Catherine s’arrêta à la porte et hésita un peu à l’idée d’exécuter son projet ; car la règle non-seulement permettait, mais encore enjoignait aux Valentins de commencer leur intimité par un baiser d’affection. On regardait comme un augure des plus favorables que l’un des deux pût trouver l’autre endormi et qu’il l’éveillât en accomplissant cette intéressante cérémonie.

Jamais plus belle occasion ne se présenta pour commencer cette union mystique que celle qui s’offrait à Catherine. Après bien des pensées différentes, le sommeil s’était enfin emparé du