Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/67

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les portiers) et en s’emparant des clefs ; ils poussèrent les verrous et mirent les barres derrière les deux battants, puis ordonnèrent à celui qui en avait habituellement le soin, de fermer le guichet, dont ils ne pouvaient faire jouer le ressort ; mais celui-ci, qu’un incident si imprévu avait terrifié, ne put en venir à bout. Les insurgés, qui semblaient avoir tout prévu, demandèrent des torches, à la lueur desquelles ils assurèrent le guichet avec de longs clous dont ils s’étaient munis, sans doute dans cette intention.

Pendant ce temps-là, Butler ne pouvait, même malgré lui, ne pas remarquer les individus qui paraissaient diriger cette singulière émeute. La lumière des torches, qui tombait sur eux et le laissait dans l’ombre, lui permit de voir sans être vu lui-même. Plusieurs de ceux qui semblaient le plus affairés avaient des jaquettes, des chausses et des bonnets de marins ; d’autres portaient de longues et larges redingotes avec des chapeaux à grands bords ; quelques-uns, qu’à leur habillement on pouvait prendre pour des femmes, étaient facilement reconnus à leur grosse voix, à leur taille extraordinaire, enfin à leur tournure et à leur démarche peu féminines. Toute la troupe agissait évidemment d’après un plan combiné d’avance. Ils avaient des signaux pour se reconnaître, et des sobriquets pour s’appeler entre eux. Butler remarqua qu’on prononçait souvent le nom de Wildfire, et que ce nom s’adressait à un des hommes déguisés en femme.

Les insurgés laissèrent un petit détachement pour garder la porte, et engagèrent les préposés, s’ils faisaient cas de la vie, à rester dans leur loge sans essayer de toute la nuit de reprendre leurs clefs. Ils parcoururent alors rapidement la rue basse appelée Cowgate, tandis que la populace avertie par leur tambour venait de toutes parts les rejoindre. Arrivés à la porte de Cowgate, ils s’en emparèrent aussi facilement que de la première : cette porte ayant été également fermée, ils y laissèrent aussi une garde. On remarqua dans la suite, comme un exemple frappant de prudence et d’audace, que les hommes chargés de garder les portes ne restaient pas stationnaires, mais se promenaient à droite et à gauche, ne s’éloignant pas assez de leur poste pour qu’on vînt le leur enlever, mais pourtant ne s’arrêtant jamais assez pour qu’on eût le temps de les examiner avec attention. Ce rassemblement, qui d’abord n’était guère que d’une centaine d’hommes, se montait alors à un mille et augmentait sans cesse. Ils se séparèrent pour monter plus rapidement les passages étroits