Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/76

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qu’à choquer les oreilles du lecteur, mais qui prouvaient, ce qui d’ailleurs n’était pas douteux, leurs horribles intentions contre le prisonnier qu’ils cherchaient.

Le lieu où s’était réfugié Porteous devait naturellement exciter les soupçons et les recherches : il y fut bientôt découvert, et on l’en arracha avec une violence qui semblait annoncer le projet de le massacrer sur-le-champ. Plus d’une arme était tournée contre lui, quand un des insurgés, celui dont Butler avait particulièrement remarqué le déguisement féminin, s’interposa d’un ton d’autorité : « Êtes-vous fous ? dit-il, ou voulez-vous exécuter un acte de justice comme un crime ou une cruauté ? Ce sacrifice, nous l’offrirons sur l’autel, où il perdrait la moitié de son prix. Cet homme doit mourir là où meurent les assassins ; il doit mourir au gibet. Il périra sur le lieu même où il a fait périr tant d’innocents. »

De bruyants applaudissements accueillirent cette proposition ; et de toutes parts retentirent les cris : « À la potence l’assassin ! Menons-le à Grass-Market. — Que personne ne le touche, continua le même orateur ; qu’il fasse sa paix avec le ciel, s’il le peut ; nous ne voulons pas tuer son âme avec son corps. — Quel temps a-t-il donné, pour se préparer à la mort, à tant d’autres qui valaient mieux que lui ? » répondirent différentes voix. « Qu’il soit traité comme il a traité les autres. »

Mais la proposition de celui qui avait parlé le premier s’accordait mieux avec le caractère de ceux à qui il s’adressait, caractère plus opiniâtre qu’impétueux, calme quoique féroce ; celui de gens qui voulaient donner à un acte de cruauté et de vengeance une apparence de justice et de modération.

Cet homme quitta pour un instant le prisonnier, qu’il remit à une garde choisie, lui recommandant de lui laisser donner son argent et ses effets à qui bon lui semblerait. Un prisonnier pour dettes reçut ce dépôt de la main tremblante de la victime, à laquelle on permit encore de faire quelques courtes dispositions avant sa mort prochaine. Les voleurs et tous ceux qui voulurent sortir de la prison furent alors libres de le faire : non que leur délivrance fût entrée dans le plan des insurgés, mais elle était une conséquence nécessaire de ce qu’ils avaient brisé les portes de la prison. Ils se joignirent donc à la populace avec des cris de joie sauvage, ou disparurent par des rues étroites et sombres, pour trouver dans les repaires du vice et de l’infamie un nouvel abri