Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/18

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d’avoir tracé un plan quelconque. Toutes les aventures du héros, dans les courses qu’il faisait au milieu du pays avec le montagnard cateran Beau Lean, ne sont pas conduites avec beaucoup d’art. Mais la disposition que j’adoptais me convenait ; elle me laissait la faculté d’introduire dans mon récit des descriptions de pays et de mœurs, descriptions auxquelles la réalité prêtait un intérêt que le talent de l’auteur n’eût pu atteindre ; et quoiqu’en diverses autres circonstances, j’aie failli sous ce rapport, je ne me rappelle pas que dans aucun de mes romans le défaut de plan se soit fait autant sentir que dans mon premier ouvrage.

Entre autres bruits sans fondement répandus au sujet de cette production, on disait que le manuscrit de Waverley étant sous presse, avait été offert à très-bas prix à différents libraires de Londres. On se trompait. Messieurs Constable et Cadell, qui publièrent l’ouvrage, en connaissaient seuls le contenu, et pendant l’impression ils offrirent à l’auteur une somme considérable, que celui-ci refusa, ne voulant pas se dessaisir du manuscrit.

L’origine du roman de Waverley et les faits particuliers sur lesquels il est fondé sont indiqués dans une introduction séparée, mise en tête du roman ; il est inutile de la mentionner ici.

Waverley fut publié en 1814 ; et comme l’ouvrage était sans nom d’auteur, on le laissa faire son chemin dans le monde sans recourir à aucune des recommandations ordinaires. Son succès ne fut pas d’abord très-rapide ; mais après un, deux ou trois mois de publication, sa popularité s’accrut à un degré qui eût rempli l’attente de l’auteur, quand bien même elle eût été plus présomptueuse qu’elle ne le fût jamais.

Le désir de connaître le nom de l’auteur était extrême, mais on ne put obtenir à cet égard aucun renseignement authentique. Voici quel fut le motif qui me porta d’abord à publier l’ouvrage sous le voile de l’anonyme. Je savais qu’en mettant au jour le roman de Waverley, je faisais sur le goût public une expérience qui pouvait très-probablement faillir ; en conséquence je ne voyais pas qu’il y eût nécessité pour moi de courir le risque personnel d’une chute. Pour atteindre ce but, je mis en usage les plus grandes précautions afin que le secret ne fût pas divulgué. Mon vieil ami, mon condisciple, M. James Ballantyne, qui imprimait ces romans, était chargé de la tâche exclusive de correspondre avec l’auteur. Je profitai donc ainsi non-seulement de ses talents comme imprimeur, mais encore de sa science comme