Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/37

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le Lord d’ennerdale.

(Dans un fragment d’une lettre de John B—, écuyer de la même classe, à William G—, f. r. s. e.)

« Versez à plein verre, dit le chevalier, les dames peuvent nous accorder quelques instants de plus. Versez à plein verre, et buvons à l’archiduc Charles. »

Les assistants accueillirent avec empressement le toast de leur seigneur.

« Le succès de l’archiduc, dit le sombre vicaire, tendra à avancer notre négociation à Paris ; et si… »

« Pardonnez-moi si je vous interromps, docteur, dit avec un accent un peu étranger un des assistants dont la figure était maigre et décharnée ; mais pourquoi liez-vous ces événements, à moins d’espérer que la bravoure et les victoires de nos alliés n’empêchent un humiliant traité ? »

« Monsieur l’abbé, répondit le vicaire d’un ton un peu sec, nous commençons à sentir qu’une guerre continentale entreprise pour la défense d’un allié qui n’a pas voulu combattre, et pour le rétablissement d’une famille royale, d’une noblesse et d’un clergé qui ont lâchement abandonné leurs droits, est un trop lourd fardeau pour les ressources de ce pays. » — « Et la guerre était-elle donc, de la part de la Grande-Bretagne, une manifestation gratuite de générosité ? Ne craignait-on pas ce funeste esprit d’innovation qui s’était répandu au dehors ? Le peuple ne tremblait-il pas pour sa propriété, le clergé pour sa religion, et tout cœur loyal pour la constitution ? Ne jugeait-on pas nécessaire de détruire l’édifice qui était en feu, avant que la conflagration se répandît dans tout le voisinage ? » — « Cependant, si après en avoir fait l’expérience, les murailles devaient résister à nos derniers efforts, je ne vois pas qu’il fût très-prudent de persévérer dans nos travaux au milieu de ces ruines fumantes. »

« Quoi, docteur, dit le baronnet, dois-je rappeler à votre souvenir votre propre sermon sur le dernier jeûne général ? Ne nous encouragiez-vous pas à espérer que le Dieu des armées s’avancerait à la tête de nos soldats, et que nos ennemis, qui le blasphèment, seraient plongés dans la honte et l’ignominie ? »

« Un tendre père peut vouloir punir même ses enfants chéris, » répondit le vicaire.

« Je crois, dit un gentilhomme placé au bout de la table, que les covenantaires se sont justifiés de la même manière, lorsque,