Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/51

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son visage. Cependant sa cousine se prononça ouvertement contre la résolution d’Emma. « Ah ! ma chère Éléonore ! répondit Emma, j’ai vu aujourd’hui ce que, certes, je ne puis prendre que pour une apparition surnaturelle. Eh ! quel peut être le but d’un être céleste, en se présentant à moi, si ce n’est de m’exhorter à consacrer ma vie au service des autels ? ce paysan qui me guida à Baddow, à travers le parc de Danbury, le même qui parut à mes yeux à différentes époques et sous diverses formes, durant cette journée si remplie d’événements, ce jeune homme, enfin, dont les traits sont à jamais gravés dans ma mémoire, est précisément le garde-chasse qui, aujourd’hui même, nous a sauvé la vie dans la forêt. Certainement je ne puis me tromper ; et liant ces merveilleuses apparitions avec le spectre qui m’apparut à Gay-Bowers, j’ai la conviction intime que le ciel a permis à mon ange gardien de prendre une forme humaine pour me secourir et me protéger. »

Éléonore et Matilde se lancèrent à la dérobée quelques regards qui peignaient la crainte que leur inspirait la situation d’Emma. Jugeant son esprit égaré, elles lui répondirent dans les termes les plus affectueux, et la persuadèrent enfin de les accompagner à la salle du banquet. La première personne qu’elles y rencontrèrent fut le baron Fitzosborne de Diggwell, alors dépouillé de son armure. À sa vue, lady Emma changea de couleur, et s’écriant : « C’est lui-même ! » elle tomba privée de sentiment dans les bras de Matilde.

« Son esprit est troublé par les terreurs de ce jour funeste, dit Éléonore ; et c’est mal à propos que nous l’avons obligée de descendre. »

« Et moi, dit Fitzosborne, j’ai eu tort d’offrir à la vue de lady Emma un homme dont la présence doit lui rappeler les plus cruels moments de sa vie. »

Tandis que les dames soutenaient Emma et l’entraînaient hors de la salle, lord Boteler et Saint-Clerc demandèrent à Fitzosborne l’explication des mots qu’il avait prononcés.

« Soyez persuadés, nobles seigneurs, dit le baron de Diggsvell, que je m’empresserai de satisfaire à votre demande dès que j’aurai appris que lady Emma n’a point eu à souffrir de mon imprudence. »

Lady Matilde rentrant alors, annonça que sa charmante amie, revenue à elle, avait assuré avec calme et résolution que Fitzos-