Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/52

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borne ne lui était point inconnu, qu’elle avait eu occasion de le voir à une époque antérieure, au milieu de la crise la plus dangereuse qu’elle eût éprouvée de sa vie.

« Je crains, dit-elle, que son esprit troublé ne confonde tout ce que son œil voit, avec les terribles événements dont elle a été témoin. »

« Si l’illustre Saint-Clerc, dit Fitzosborne, peut pardonner l’intérêt qu’avec les plus pures et les plus honorables intentions j’ai osé prendre au sort de sa sœur, il m’est aisé d’expliquer la mystérieuse impression qu’elle a reçue. »

Il se mit à raconter alors que, se trouvant à l’hôtellerie appelée le Griffin, près Baddon, dans un voyage qu’il faisait en ce pays, il s’était rencontré avec la vieille nourrice de lady Emma Darcy ; que cette femme, qui venait d’être chassée de Gay-Bowers, était au comble de son chagrin et de son indignation, et qu’elle proclamait publiquement et à haute voix les torts de lady Emma. Le portrait qu’elle faisait de la beauté et de l’esprit chevaleresque de l’enfant qu’elle avait nourri, fit que Fitzosborne prit le plus vif intérêt au sort de cette jeune héroïne. Cet intérêt s’accrut bien plus encore, lorsque, par le moyen d’un présent qu’il fit au vieux Gaunt, le bailli, il se fut procuré le plaisir de voir lady Emma dans une promenade qu’elle faisait près de Gay-Bowers. Mais le vieux bailli refusa de lui donner accès au château ; cependant il lui laissa entrevoir que sa maîtresse courait quelque danger, et qu’il désirait bien qu’elle fût à l’abri de tout péril. Son maître, disait-il, avait appris que lady Emma avait un frère vivant, et depuis ce temps il ôta à ce dernier toutes chances d’acquérir les domaines de sa sœur, il… Enfin, Gaunt désirait qu’ils fussent séparés sûrement et sans danger. « Si quelque malheur, disait-il, arrivait ici à cette demoiselle, tout irait fort mal pour nous ; j’ai essayé par un innocent stratagème de l’effrayer, afin de la dissuader de rester au château. J’introduisis une figure par une trappe, et j’avertis lady Emma, d’une voix qui semblait sortir de la tombe, qu’elle eût à quitter le château ; mais la jeune demoiselle est obstinée, et veut remplir son dessein. »

Trouvant que Gaunt, quoique avare et communicatif, était trop attaché à son maître, quelle que fût la scélératesse de ce dernier, pour agir contre ses ordres, Fitzosborne s’adressa à la vieille Ursely, qu’il trouva plus traitable. Par elle, il apprit l’horrible complot qu’avait tracé Gaston pour se défaire de sa parente,