Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/107

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nature sont inaltérables. Le soleil brillera sur ces tours en ruine, soit qu’elles deviennent la propriété d’un étranger ou d’un vil et obscur intrigant qui abuse de la loi, avec autant d’éclat que lorsque les bannières de leur fondateur flottèrent au vent, pour la première fois, sur les remparts. »

Ces réflexions conduisirent Mannering jusqu’à la porte du château, qui ce jour-là était ouverte à tout le monde. Il entra avec la foule qui traversait les appartements, les uns pour choisir quelques articles qu’ils voulaient acheter, les autres seulement pour satisfaire leur curiosité. Même dans les circonstances les plus favorables, un pareil spectacle a quelque chose qui porte à la mélancolie. Cette confusion de meubles déplacés pour que les acheteurs puissent les voir et les enlever facilement, excite un sentiment pénible. Ces objets qui, rangés avec ordre et symétrie, ont un air de richesse et de beauté, prennent alors une apparence de misère qui fait pitié ; et les appartements, dépouillés de tout ce qui les rend commodes et confortables, ont un aspect de ruine et de dilapidation. On éprouve aussi une sorte de dégoût en voyant les objets destinés aux usages secrets de la vie domestique exposés aux regards des curieux et du vulgaire ; en entendant les fastidieuses et grossières plaisanteries des spectateurs sur des modes et des meubles auxquels ils ne sont pas habitués. Cette humeur plaisante est entretenue par le whisky, liqueur qu’on ne manque pas de prodiguer en Écosse dans ces occasions. Tels sont les effets ordinaires d’une scène telle que celle qui se passait alors à Ellangowan ; mais la pensée que, dans cette circonstance, ils indiquaient la ruine totale d’une famille honorable et ancienne, inspirait à Mannering un sentiment bien plus pénible et plus douloureux.

Il s’écoula quelque temps avant qu’il pût trouver quelqu’un disposé à répondre à ses questions réitérées sur Ellangowan lui-même. Enfin une vieille servante, qui essuyait ses yeux avec son tablier en parlant, lui dit que « le laird était un peu mieux, qu’on espérait qu’il serait en état de quitter aujourd’hui la maison ; que miss Lucy attendait la chaise à chaque instant, et que, comme le jour était beau pour la saison, on avait transporté le vieillard dans son fauteuil sur la pelouse devant le vieux château pour l’éloigner de ce triste spectacle. » Le colonel se rendit au lieu indiqué, et il aperçut bientôt le petit groupe, qui était composé de quatre personnes. La montée était rapide, aussi eut-il le temps de les reconnaître en s’avançant, et de songer à la manière dont il se présenterait à eux.