Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/127

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encore une fois. Si j’avais traité cette aventure plus sérieusement, c’eût été faire injure à votre excellent jugement ; si je l’avais passée sous silence, c’eût été vous donner lieu de suspecter ma prudence. »

Aussitôt cette lettre reçue, le colonel Mannering, après avoir d’abord envoyé le négligent messager à M. Mac-Morlan avec les pouvoirs nécessaires pour acheter le domaine d’Ellangowan, monta à cheval et dirigea sa course plus au sud. Il ne s’arrêta que lorsqu’il fut arrivé au château de son ami M. Mervyn, situé sur les bords d’un des lacs du Westmoreland.



CHAPITRE XVII.

CORRESPONDANCE DE JULIA.


Le ciel le premier, dans sa bonté, enseigna aux mortels l’art épistolaire pour les dames en prison, les amants dans les fers, ou quelque auteur qui pût, en plaçant ses personnages devant vous, les laisser écrire leur histoire sans se fatiguer lui-même.
Pope. Imité.


À son arrivée en Angleterre, Mannering avait placé sa fille dans une excellente pension pour achever son éducation ; mais voyant qu’elle n’y acquérait pas au gré de son impatience tous les talents dont il désirait la voir ornée, il l’en avait retirée à la fin du premier quartier. Elle n’avait donc eu que le temps de former une amitié éternelle avec miss Mathilde Marchmont, jeune demoiselle de son âge, c’est-à-dire d’environ dix-huit ans. C’était à l’œil fidèle de cette amie qu’étaient adressées ces formidables mains de papier qui partaient de Mervyn-Hall sur les ailes de la poste tandis que miss Mannering habitait ce château. La lecture de quelques courts extraits de ces lettres peut être nécessaire pour l’intelligence de cette histoire.


premier extrait.


« Hélas ! ma chère Mathilde, quelle fatalité pèse sur moi ! Le malheur ne cesse de poursuivre votre amie depuis son berceau. Quoi ! nous avons été séparées pour une cause si légère, une faute contre la grammaire dans mon thème italien, et trois fausses notes dans une sonate de Paesiello ! Mais c’est là un des traits du caractère de mon père, pour qui je ne puis dire si j’ai plus de tendresse ou d’admiration que de crainte. Ses succès dans sa vie privée et