Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/129

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que Brown vit encore, ou du moins qu’il a survécu à la blessure qu’il a reçue dans ce malheureux duel ; qu’il a écrit à ma mère en lui annonçant son entière convalescence et son espoir d’échapper bientôt de sa captivité. Mais un militaire, qui a souvent vu tuer des hommes, ne ressent probablement aucun chagrin en réfléchissant sur une catastrophe qui m’a, pour ainsi dire, pétrifiée. Si je lui montrais cette lettre, que s’en suivrait-il ? Brown, conservant avec opiniâtreté ses prétentions à l’affection de votre pauvre amie, prétentions qui ont déterminé mon père à attaquer ses jours, serait pour le colonel Mannering un sujet d’inquiétude beaucoup plus grave que l’idée de son trépas. S’il échappe des mains de ces pillards, je suis convaincue qu’il sera bientôt en Angleterre, et il sera temps alors de considérer si je dois révéler ce secret à mon père. Mais, hélas ! si cet espoir auquel je me livre venait à être trahi, que me servirait de déchirer le voile d’un mystère qui lui rappellerait tant de douloureux souvenirs ? Ma bonne mère craignait beaucoup qu’il ne fût découvert ; elle aima mieux, je pense, laisser mon père soupçonner que les attentions de Brown s’adressaient à elle, plutôt que de lui permettre de pénétrer leur véritable objet. Ô ma chère Mathilde, quel que soit le respect que je doive à la mémoire d’un des auteurs de mes jours qui n’est plus, je dois aussi rendre justice à celui qui vit encore. Je ne puis me dissimuler que la conduite de ma mère fut tout à la fois injuste pour mon père et dangereuse au plus haut point pour elle et pour moi. Mais que ses cendres soient en paix ! Ce fut son cœur plus que sa tête qui la dirigea dans cette circonstance, et sa fille, qui a hérité de toute sa faiblesse, ne soulèvera pas le voile qui la couvre. »


quatrième extrait.


Mervyn-Hall.

« Si l’Inde est la terre des enchantements, cette contrée, ma chère Mathilde, est le pays des romans. La nature y a aussi rassemblé de concert ses scènes les plus sublimes : des cataractes mugissantes, des monts qui élèvent leurs fronts chauves jusque dans les nues, des lacs qui serpentent dans les vallées ombragées, et qui à chaque détour conduisent dans des sites encore plus romantiques ; des rochers atteignant les nues : d’un côté, enfin, les solitudes de Salvator, et de l’autre les paysages enchantés de Claude Lorrain. Je suis heureuse aussi de trouver du moins un objet pour lequel mon père peut partager mon enthousiasme. Admirateur de la na-