Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/135

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gens qui étaient disposés à embrasser la carrière des armes, et Brown, qui avait du goût pour l’état militaire, fut le premier à quitter la route qui l’aurait peut-être conduit à la fortune, pour prendre celle qui conduisait à la gloire. Le reste de son histoire vous est connu. Pensez quelle serait la colère de mon père, lui qui méprise le commerce (quoique, pour le dire en passant, il doive une partie de ses richesses à mon grand-oncle qui exerçait cette profession honorable), et qui a une antipathie toute particulière pour les Hollandais ! Comment recevrait-il des propositions de mariage pour sa fille unique de la part de Van Beest Brown, élevé par charité dans la maison de Van Beest et Van Bruggen ! Malhilde, cela est impossible ! et moi-même, le croirez-vous ? je me sens quelquefois disposée à partager l’opinion de mon père : mistress Van Beest Brown ! voilà un nom bien recommandable, n’est-il pas vrai ? Que nous sommes enfants ! »


huitième extrait.


« C’en est fait, Mathilde ; je n’aurai jamais le courage de rien confier à mon père, et je crains même qu’il n’ait déjà appris mon secret par une autre voie, ce qui ôterait tout mérite à ma révélation et ferait évanouir la lueur d’espérance que j’entrevoyais. Hier soir, Brown vint comme de coutume sur ce lac, et son flageolet m’annonça son arrivée : nous étions convenus qu’il emploierait ce signal. Ces lacs romantiques attirent de nombreux voyageurs, qui satisfont leur enthousiasme en visitant leurs sites à toute heure, et nous espérions que si du château l’on remarquait Brown, il passerait pour un de ces admirateurs de la nature qui vient s’abandonner à ses rêveries en faisant de la musique. Les sons de l’instrument devaient être aussi une excuse si l’on venait à m’apercevoir sur le balcon. Mais hier soir, lorsque j’étais bien occupée à lui parler de mon projet de faire un entier aveu à mon père, et qu’il le combattait avec force, nous entendîmes s’ouvrir doucement la fenêtre de la bibliothèque de M. Mervyn, qui est au-dessous de ma chambre. Je fis signe à Brown de se retirer, et je rentrai tout de suite, avec quelque faible espoir que notre entrevue n’avait pas été remarquée.

« Mais, hélas ! Mathilde, cette espérance s’évanouit lorsque je vis M. Mervyn le lendemain matin à déjeuner. Il y avait tant de malice et d’ironie dans ses regards, que, si j’eusse osé, je ne me serais jamais mise si fort en colère de ma vie. Mais il faut se conduire prudemment. Mes promenades sont maintenant limitées à