Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/139

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dans les Indes ? — Oui, papa ; mais vous étiez commandant alors.

— Et je le suis encore, miss Mannering, du moins dans ma famille.

— Nul doute, mon père ; mais nous lira-t-il les prières de l’église anglicane ? »

« La simplicité apparente avec laquelle je lui fis cette question troubla sa gravité. « Allons, Julia, me dit-il, vous êtes une méchante fille ; mais que gagnerais-je à vous gronder ? De ces deux étrangers vous ne pourrez vous empêcher d’aimer la jeune dame ; quant à la personne que, faute d’autre nom, j’ai appelée chapelain, c’est un digne homme, quoique un peu ridicule : il ne s’apercevra jamais que vous riez de lui, si vous ne riez pas à gorge déployée.

— Cher papa, j’aime beaucoup cette partie de son caractère. Mais, je vous prie, la maison que nous allons habiter est-elle aussi agréablement située que celle-ci ? — Elle ne sera peut-être pas tant à votre goût ; il n’y a point de lac sous les fenêtres, et vous serez obligée de vous contenter de la musique qu’on fera dans l’intérieur. »

« Ce dernier coup de main[1] finit notre petite discussion, car vous pouvez penser, Mathilde, qu’il m’ôta toute envie de répondre.

« Cependant, comme vous l’avez pu voir par ce dialogue, j’avais pris assez d’aplomb. Brown est vivant et libre ; il est en Angleterre, il m’aime ! cette assurance me suffit pour braver toutes les craintes, tous les embarras. Nous quittons Mervyn-Hall dans quelques jours pour notre nouvelle demeure. Je ne manquerai pas de vous écrire ce que je pense de nos hôtes écossais. Ce sont probablement deux honorables espions que me donne mon père : une espèce de Rozencrantz femelle, et un révérend… Guildenstern ; la première en jupon court, le second sous l’habit ecclésiastique. Quel contraste avec la société que j’aurais voulu avoir ! Aussitôt notre arrivée dans notre nouvelle demeure, je ferai connaître à ma chère Mathilde le sort de son amie

« Julia Mannering. »
  1. En français dans l’original. a. m.