Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/15

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mais un espace de deux ans s’étendait entre ces deux époques, durant lesquelles il ne pouvait avoir la certitude de son existence ou de sa mort.

L’astrologue nota cette circonstance extraordinaire dans son journal, et continua ses tours dans les différentes parties du royaume, jusqu’au terme de la période durant laquelle son sort lui était connu. Enfin, tandis qu’en présence d’un nombreux auditoire il opérait ses tours d’adresse, ses mains, dont l’agilité avait si souvent trompé l’observateur le plus subtil, perdirent tout-à-coup leur pouvoir ; elles laissèrent tomber les cartes : l’escamoteur n’était plus qu’un paralytique impuissant. Il languit deux ans dans cet état, et fut enfin enlevé par la mort. On dit que le journal de cet astrologue moderne va être incessamment livré au public.

Ce fait, s’il est exactement rapporté, est une des singulières coïncidences si bizarrement éloignées des calculs ordinaires, et dont l’irrégularité dérobe aux yeux des mortels la connaissance d’un avenir que le Créateur leur défend de sonder. Si chaque chose arrivait selon le cours ordinaire des événements, l’avenir serait soumis aux règles de l’arithmétique comme les chances du jeu. Mais des événements extraordinaires, des coups du sort merveilleux, défient les calculs de l’esprit humain et jettent un voile impénétrable sur l’avenir.

À cette anecdote nous pouvons en ajouter une plus récente encore. L’auteur fut dernièrement honoré d’une lettre d’un gentleman profondément versé dans cet art mystérieux ; il lui offrit obligeamment de calculer la nativité de l’historien de Guy Mannering, qu’il pouvait supposer partisan de son art divin. Mais il était impossible à l’auteur de fournir une date pour l’établissement de son horoscope, l’eût-il même désiré, puisque tous ceux qui pouvaient donner l’heure et la minute de sa naissance étaient depuis longtemps sortis de ce monde.

Ayant ainsi offert une esquisse rapide de son idée première, l’auteur, en suivant le plan de cette nouvelle édition, va parler des modèles qui lui ont fourni les principaux personnages de Guy Mannering.

Quelques circonstances, dues à sa position locale, donnèrent à l’auteur, dans sa jeunesse, l’occasion de connaître cette classe d’hommes dégradés qu’on appelle Égyptiens, et d’en entendre beaucoup parler : c’est une race mêlée, tenant des anciens Égyptiens qui arrivèrent en Europe vers le commencement du quinzième siècle, et des vagabonds d’une origine européenne.