Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/155

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Archer eût survécu aux blessures qu’il reçut le jour de ce fatal duel, il eût révélé des choses qui auraient jeté de la lumière sur le caractère bizarre de cet homme singulier. Il répéta souvent : « Je voudrais bien dire à Brown des choses qui changeraient l’opinion qu’il s’est formée de notre colonel. » Mais la mort l’enleva ; et s’il avait quelque explication satisfaisante à me donner, comme ces paroles semblaient l’annoncer, il mourut avant de l’avoir fait.

« J’ai le dessein de reprendre mes excursions dans ce pays, tandis que le froid me promet quelques belles journées. Dudley, presque aussi bon piéton que moi, m’accompagnera une partie du chemin. Nous nous séparerons sur les frontières du Cumberland, lui pour rentrer dans son logement de Marybone, à un sixième étage, et travailler à ce qu’il appelle la partie commerciale de sa profession. « Il ne peut y avoir, dit-il, une existence qui offre deux disparates aussi grandes que celle d’un artiste tant soit peu enthousiaste : le moment où il remplit son portefeuille de ses ouvrages, et celui où il l’ouvre pour les montrer à la sotte indifférence ou à la critique plus choquante encore d’amateurs fashionables. Durant l’été, ajoute-t-il, je suis libre comme un Indien sauvage, je jouis de ma liberté au milieu des grandes scènes de la nature ; l’hiver, emprisonné dans un misérable grenier, je suis condamné à me plier aux caprices de gens qui ne me regardent pas autrement qu’un misérable esclave. » Je lui ai promis de lui faire faire votre connaissance, Delaserre ; vous serez enchanté de son talent, et lui de votre enthousiasme suisse pour les montagnes et les torrents.

« Lorsque je me serai séparé de Dudley, je pourrai facilement pénétrer en Écosse en traversant une région sauvage dans la partie supérieure du Cumberland. Je suivrai cette route, afin de donner au colonel le temps de placer son camp, puis j’irai reconnaître sa position. Adieu, Delaserre ! Je trouverai à peine une autre occasion de vous écrire avant mon arrivée en Écosse. »