Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/165

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votre nom et d’où vous venez. — Mon nom est Brown, la mère, et je viens des Indes orientales. — Des Indes orientales ! dit-elle en lâchant sa main avec un soupir ; ce n’est donc pas cela ? Je suis comme une vieille folle ; chaque chose que je vois me semble ce que je voudrais le plus voir… Mais les Indes orientales !… ce ne peut être cela… non ! Cependant, qui que vous soyez, vos traits et le son de votre voix rappellent à ma mémoire des temps anciens… Adieu ; faites diligence dans votre route, et si vous voyez quelques-uns de nos gens, passez votre chemin et ne vous mêlez point de leurs affaires, ils ne vous feront aucun mal. »

Brown, qui dans le moment venait de recevoir la monnaie de sa pièce, lui mit un schelling dans la main, souhaita le bonjour à son hôtesse, et suivant la même route que le fermier avait prise, il marcha à grands pas ; il avait l’avantage d’être guidé par l’empreinte encore fraîche des pieds du cheval de Dinmont. Meg Merrilies le suivit pendant quelque temps des yeux, puis elle se dit à elle-même : « Il faut que je voie encore ce jeune homme… Il faut que je revoie aussi Ellangowan… Le laird est mort… en bien ! la mort règle tous les comptes ; c’était un bon homme autrefois… Le shérif est parti du pays. Je puis me cacher facilement dans le bois. Il n’y a pas beaucoup à craindre la prison… Je veux voir encore le gentil Ellangowan avant de mourir. »

Cependant Brown s’avançait à grands pas à travers ces plaines de bruyères de la contrée qu’on appelle le Waste de Cumberland. Il passa devant une maison isolée, vers laquelle le fermier qui le précédait s’était apparemment rendu, car les pas de son cheval étaient marqués dans cette direction. Un peu plus loin, de nouvelles traces indiquaient qu’il avait repris la route : « Monsieur Dinmont a sûrement fait là une visite d’affaire ou de plaisir ; j’aurais désiré, pensa Brown, qu’il y fût resté jusqu’à ce que j’arrivasse ; je n’aurais pas été fâché de lui demander quelques renseignements sur le chemin, qui semble devenir de plus en plus sauvage. »

En effet, la nature, comme si elle avait destiné ce pays à servir de barrière entre deux nations toujours en guerre, a répandu sur lui un caractère de solitude et de désolation. Les collines ne sont ni hautes ni escarpées ; les chaumières, pauvres et petites, sont à une grande distance l’une de l’autre… autour d’elles on remarque généralement quelques tentatives de culture ; mais un ou deux jeunes poulains, errant çà et là avec des entraves aux jambes de derrière pour éviter les frais d’une écurie, montrent que la principale