Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/168

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pour l’amour de Dieu, hâtez-vous, montez vite, car je vois là-bas venir vers nous certaines gens qu’il ne serait pas bon d’attendre. » Brown pensa aussi que l’apparition de cinq ou six hommes auxquels les brigands venaient de se joindre, et qui traversaient la bruyère dans leur direction, devait abréger toute cérémonie ; il sauta donc sur Dumple, se mit en croupe, et le bidet, plein de feu, quoique portant deux hommes d’une haute taille et d’un grand poids, partit aussi vite que s’il eût emporté deux enfants de six ans. Le fermier, qui connaissait parfaitement les chemins de ces solitudes, le faisait avancer rapidement, ayant soin, avec une grande habileté, de choisir la route la plus sûre, bien secondé par la sagacité du galloway qui ne manquait jamais de traverser les passages difficiles à l’endroit le plus convenable. Cependant, malgré ces avantages, la route était tellement mauvaise, et ils étaient si souvent obligés de faire de longs détours, qu’ils ne gagnaient que peu de terrain sur ceux qui les poursuivaient. « Ne craignez rien, dit l’intrépide fermier à son compagnon ; si nous étions une fois au delà du latch[1] de Withershin, la route n’est pas si marécageuse et nous leur ferions voir du pays. »

Ils arrivèrent bientôt à l’endroit qu’il venait de nommer ; c’était un étroit canal dans lequel une eau stagnante, couverte de plantes marécageuses et verdâtres, paraissait dormir plutôt que couler. Dinmont dirigea son coursier vers un passage où l’eau paraissait couler plus en liberté et sur un fond plus uni ; mais Dumple recula devant ce gué, baissa la tête comme pour reconnaître le rivage de plus près, frappa la terre de ses pieds de devant, et resta ensuite aussi tranquille que s’il eût été de marbre.

« Ne ferions-nous pas mieux, dit Brown, de descendre et de laisser le cheval à son sort, ou ne pouvons-nous pas le forcer à entrer dans le ruisseau ? — Non, non, dit son guide, il ne faut pas forcer Dumple ; il a plus de bon sens que certains hommes. » À ces mots il lui lâcha la bride et le laissa aller en liberté. « Allons, maintenant, mon garçon, choisis ton chemin, vois celui que tu veux prendre. » Dumple, ayant la liberté du choix, trotta gaiement vers un autre endroit du latch, moins favorable, à ce que pensait Brown, mais que la sagacité ou l’expérience de l’animal lui faisait reconnaître comme plus sûr ; il s’y plongea, et atteignit le rivage opposé sans grande difficulté.

« Je suis content d’être sorti de ces bruyères marécageuses, où

I. Mol écossais qui signifie roisseaa bourbeux, marécageux, a. h.

  1. Mot écossais qui signifie ruisseau bourbeux, marécageux. a. m.