Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/169

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il y a plus d’écuries pour les chevaux que d’auberges pour les hommes, dit Dinmont. Maintenant il faut arriver, n’importe comment, à la route des Filles, et nous sommes sauvés. » En conséquence, ils gagnèrent bientôt une espèce de chaussée raboteuse, reste d’une vieille route romaine qui traversait ces solitudes sauvages dans la direction du nord. Ils purent alors faire de neuf à dix milles par heure, Dumple ne demandant d’autre soulagement que de changer le galop pour le trot. « Je pourrais le faire aller plus vite, dit son maître, mais il porte deux gaillards aux longues jambes, et ce serait une pitié de forcer Dumple. Il n’y avait pas son pareil à Staneshiebank le jour de la foire. »

Brown conseilla aussi au fermier de ménager son cheval ; et comme ils ne craignaient plus d’être atteints par les brigands, il ajouta que M. Dinmont ferait bien de mettre un mouchoir autour de sa tête, de peur que l’air froid n’aggravât sa blessure.

« Et pourquoi cela ? répondit le brave fermier ; le mieux est de laisser figer le sang sur la plaie : cela épargne des emplâtres… »

Brown, comme militaire, avait vu recevoir beaucoup de blessures, mais il ne put s’empêcher de remarquer qu’il n’avait jamais vu personne en supporter d’aussi graves avec un pareil sang-froid. « Bah, bah ! je ne ferai jamais de bruit pour une égratignure à la tête. Mais nous serons dans cinq minutes en Écosse, et il faut venir avec moi à Charlies-Hope, c’est une chose arrêtée. »

Brown accepta d’autant plus volontiers l’hospitalité qu’on lui offrait que la nuit devenait plus épaisse. Enfin ils arrivèrent en vue d’une jolie rivière qui serpentait à travers une contrée champêtre. Les coteaux étaient plus verts et plus escarpés que ceux auprès desquels ils venaient de passer, et leurs flancs couverts de gazon descendaient jusqu’à la rivière. Quoiqu’ils ne présentassent pas des cimes élevées et pittoresques, et que l’œil ne fût arrêté ni par des bois ni par des rochers sur leur pente douce et unie, le tableau n’en avait pas moins un air de solitude et de grandeur sauvage qui plaisait à l’imagination. On n’y voyait ni enclos, ni routes, peu de terres cultivées ; c’était comme un vallon choisi par un patriarche pour faire paître ses troupeaux. Çà et là les débris d’une tour démantelée et ruinée montraient que les anciens habitants de ces lieux, bien différents de ceux qui les occupaient alors, étaient surtout de ces maraudeurs dont les exploits sont consignés dans les guerres entre l’Angleterre et l’Écosse.

Descendant un chemin qui conduisait à un gué bien connu de lui,