Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/17

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d’accepter le souper et le lit que lui offrait l’Égyptienne. Il y avait dans la grange une grande quantité de provisions de bouche, n’importe la manière dont on se les était procurées, et il s’y faisait des préparatifs pour un repas abondant ; le fermier sentit son inquiétude redoubler en voyant qu’on attendait dix ou douze convives, probablement du même genre que son hôtesse.

« Jeanne ne le laissa pas long-temps dans le doute à ce sujet ; elle lui rappela le vol de sa truie, et lui dit quelle peine et quel chagrin elle en avait eus. Comme tant de philosophes, elle remarqua que le monde devenait pire tous les jours ; et, comme bien d’autres parents, que ses enfants ne lui obéissaient pas et négligeaient les vieux règlements des Égyptiens, qui commandaient de respecter toujours les propriétés de leurs bienfaiteurs. Elle finit par demander au fermier combien il avait d’argent sur lui, et par l’engager ou plutôt lui commander de lui donner sa bourse à garder, car les garçons (c’est ainsi qu’elle appelait ses fils) allaient bientôt rentrer. Le pauvre fermier fit de nécessité vertu ; il raconta son histoire à Jeanne et confia son or à sa garde ; elle lui fit remettre quelques schellings dans sa poche, observant que si on le voyait voyager sans argent, cela exciterait les soupçons.

« Cet arrangement fait, le fermier s’étendit sur une espèce de shake-down, comme l’appellent les Écossais, c’est-à-dire des draps disposés sur de la paille ; mais, comme on le croira facilement, il ne dormit point.

« Vers minuit, la bande rentra avec le butin fruit de son pillage ; les maraudeurs parlèrent de leurs exploits dans un langage qui fit trembler le fermier. Ils ne furent pas long-temps à découvrir qu’ils avaient un hôte, et demandèrent à Jeanne qui elle avait reçu.

« — C’est le bon fermier du Lochside, le brave homme, répondit Jeanne ; il a été à Newcastle chercher de l’argent pour payer son fermage, l’honnête homme : aussi il est revenu la bourse vide et le cœur triste.

« — Cela peut être, Jeanne, répondit un des bandits, mais nous allons visiter un peu ses poches, et voir si ce conte est vrai ou non. »

« Jeanne eut beau crier avec force contre cette violation de l’hospitalité, elle ne put les faire renoncer à leur dessein. Le fermier les entendit bientôt s’approcher de son lit à pas de loup, et parler à voix basse ; il comprit qu’ils fouillaient ses habits : lorsqu’ils trouvèrent l’argent que la prudence de Jeanne Gordon lui avait fait gar-