Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la colline, traversa le marécage sur une chaussée de pierres qui n’était ni des plus larges ni des plus solides. Il la gravissait encore, lorsqu’il rencontra un homme qui la descendait.

Il reconnut bientôt son digne hôte, quoique un maud, comme on appelle le plaid gris des bergers, eût remplacé son costume de voyage, et qu’un bonnet de fourrure de chat sauvage couvrît sa tête plus commodément que n’aurait pu le faire un chapeau, à cause du bandage qui l’enveloppait. Brown, accoutumé à juger les hommes par leurs muscles et par leurs nerfs, ne put s’empêcher d’admirer à travers le brouillard qui l’entourait, la taille de Dandie, la largeur de ses épaules, et l’assurance de son pas. Dinmont de son côté payait le même tribut d’admiration à Brown, dont il examinait les formes athlétiques plus à loisir qu’il ne l’avait encore fait. Après les complimens d’usage, Brown s’informa de son hôte s’il ne se ressentait pas de sa blessure.

« Je l’ai déjà oubliée, répondit l’intrépide fermier ; mais, ce matin que je suis frais et à jeun, je pense que si vous et moi nous étions au latch de Withershin, avec chacun un bon gourdin de chêne, nous ne fuirions pas, y eût-il une demi-douzaine de ces coquins. — Mais êtes-vous bien prudent, mon bon monsieur Dinmont, dit Brown, de ne pas prendre une heure ou deux de repos de plus après avoir reçu de telles contusions ? — Confusion ! répliqua le fermier en riant ; mon Dieu, capitaine, jamais je n’ai de confusion dans la tête. Un jour je suis tombé du haut du Christenbury-Craig ; en bien ! sans avoir de confusion pour cela, je me suis relevé, et j’ai été rejoindre mes chiens qui couraient le renard. Non, non, je n’ai jamais de confusion que lorsque de temps en temps je bois un peu trop. En outre, il fallait que je fisse un tour ce matin pour voir comment vont les troupeaux. Les bergers sont négligents, aiment à jouer à la balle au pied, sont toujours en fête et en plaisir quand le maître est absent. J’ai rencontré Tom de Todshaw, et quelques autres de l’autre côté de Learr ; ils vont chasser le renard ce matin. Mettez-vous de la partie ; je vous donnerai Dumple, et je prendrai pour moi ma grande jument. — Mais je crains bien d’être obligé de vous quitter ce matin, monsieur Dinmont, répondit Brown. — Du diable si cela est ! s’écria le fermier ; vous ne nous quitterez pas, quoi qu’il arrive, avant quinze jours. Non, non ; des amis tels que vous ne se rencontrent pas toutes les nuits dans les bruyères de Bewcastle. »

Brown n’avait pas l’intention de voyager rapidement ; il accepta