Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/200

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vieille en silence et plein de confiance. Ils traversèrent le ruisseau à l’endroit où avaient déjà passé ceux qui les avaient précédés. L’empreinte des pas se fit voir quelque temps jusqu’à un endroit où le vallon se rétrécissait de nouveau. Mais bientôt l’Égyptienne quitta ce chemin, tourna de côté, et prit un sentier inégal et raboteux conduisant au rocher qui dominait les ruines. Quoique la neige dont la terre était couverte rendît la marche incertaine et dangereuse, Meg avançait d’un pas ferme et assuré, qui annonçait une grande connaissance du terrain. Enfin ils atteignirent le sommet du rocher par un passage si escarpé et si difficile, que Brown, bien que convaincu que c’était le même qu’il avait descendu la nuit précédente, ne fut pas peu surpris d’être venu à bout d’une telle entreprise sans s’être rompu le cou. Là commençait une plaine d’un mille ou deux de longueur, terminée par d’épaisses plantations d’une étendue considérable.

Meg continua de marcher le long du bord du ravin qu’ils venaient de gravir, jusqu’au moment où elle entendit au-dessous d’elle le bruit de quelques voix. Indiquant alors à Brown une plantation d’arbres à quelque distance : « La route qui conduit à Kippletringan, dit-elle, est de l’autre côté de ce taillis ; faites diligence autant que vous pourrez ; votre vie est plus précieuse que celle de bien d’autres. Mais vous avez tout perdu : attendez. » Et fouillant dans une grande poche, elle en tira une bourse crasseuse. « Votre famille a fait à Meg et aux siens beaucoup d’aumônes ; elle a vécu assez pour en rendre une partie. » En parlant ainsi, elle plaça la bourse dans la main de Brown.

« Cette femme est folle, » pensa-t-il. Mais ce n’était point le moment d’entrer en explication, car les voix qu’il entendait au fond du ravin étaient probablement celles des bandits. « Comment pourrai-je vous restituer cet argent, dit-il, et reconnaître le service que vous m’avez rendu ?

— J’ai deux faveurs à vous demander, répondit la sibylle à voix basse et avec vivacité : la première, que vous ne parliez jamais de ce que vous avez vu cette nuit ; la seconde, que vous ne quittiez point ce pays sans m’avoir revue ; que vous laissiez un mot aux Armes de Gordon pour m’indiquer où vous serez ; et que lorsque je vous appellerai, fût-ce à l’église ou au marché, à la noce ou à l’enterrement, le samedi ou le dimanche, un jour de festin ou de jeûne, vous quittiez tout pour venir avec moi. — Oui, si cela peut VOUS être utile, la mère. — Mais cela vous sera encore plus utile à