Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ratte ; je l’interrompis de nouveau. « Quel âge a bien miss Bertram ? — Comment le saurais-je, miss ? à peu près votre âge, je suppose. — Elle est plus vieille que moi, je le pense ; vous êtes toujours à me dire qu’elle fait bien mieux les honneurs de la table à thé que moi. Mon Dieu, papa, si vous lui donniez une fois pour toutes le droit d’y présider ? — Ma chère Julia, répondit mon père, ou vous êtes une grande folle, ou vous êtes plus disposée à la malice que je ne l’avais encore pensé. — mon cher papa ! prenez-le du meilleur côté ; je ne voudrais pour rien au monde être considérée comme folle. — Alors pourquoi parlez-vous comme une folle ! — mon Dieu ! je suis sûre qu’il n’y a pas tant de folie dans ce que je viens de dire. Chacun sait que vous êtes un bel homme (à ces mots il sourit), c’est-à-dire pour votre âge (il fronça le sourcil) qui n’est pas avancé, et je ne sais pourquoi vous ne feriez pas ce qui peut vous rendre heureux. Je sens bien que je ne suis qu’une fille étourdie ; et si une compagne plus grave pouvait faire votre bonheur… »

« Mon père me prit la main avec un mélange de déplaisir et de gravité amicale : c’était un sévère reproche pour moi d’avoir plaisanté avec ses sentiments.

« Julia, dit-il, j’ai toujours supporté votre légèreté naturelle, parce que je pense qu’elle provient un peu de ce que je n’ai pas surveillé votre éducation d’assez près ; mais je ne vous permettrai pas de vous y abandonner sur un sujet si délicat. Si vous ne respectez pas les sentiments de votre père et la mémoire de celle que vous avez perdue, ayez au moins égard aux droits sacrés du malheur ; et sachez que la plus légère plaisanterie sur un tel sujet qui parviendrait aux oreilles de miss Bertram, la ferait renoncer à l’asile qu’elle occupe aujourd’hui, et la rejetterait, sans protecteur, dans le monde qu’elle a déjà quitté et où elle n’avait pas un ami. »

« Que répondre à cela, Mathilde ? Mon cœur fut ému, je pleurai, je demandai pardon, et promis d’être une bonne fille à l’avenir. Ainsi je suis neutralisée, car je ne puis, en toute sûreté de conscience, tourmenter la pauvre Lucy, malgré le peu de confiance qu’elle a en moi, en agaçant Hazlewood ; et je ne puis non plus, après la sévère réprimande de papa, plaisanter avec lui sur une matière si délicate. Aussi je passe mon temps à faire des découpures que je m’amuse ensuite à brûler ; des esquisses de têtes de Turcs avec des cartes de visite dont je brûle le bout, et qui me tiennent lieu de crayon, et je vous assure que j’ai réussi à faire hier au soir