Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/235

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La figure d’Hatteraick devint sombre comme la nuit.

« Oh ! continua Glossin, je n’ai nullement l’envie de faire de la peine à une ancienne connaissance… ; mais je suis obligé de faire mon devoir… Je vous enverrai à Édimbourg dans une chaise de poste à quatre chevaux, aujourd’hui même. — Mille tonnerres ! vous n’en feriez rien, dit Hatteraick d’une voix plus basse et moins assurée, s’il y avait à gagner une demi-cargaison en traités sur Van Beest et Van Buggen, comme autrefois. — Il y a si long-temps de cela, capitaine Hatteraick, répondit Glossin avec hauteur, qu’en vérité je ne me rappelle plus comment j’ai été payé de mes peines. — De vos peines ? dites donc de votre silence. — À cette époque j’étais dans les affaires ; mais je m’en suis retiré, il y a déjà quelque temps. — Oui, mais j’ai dans l’esprit que je pourrais vous faire revenir sur vos pas, et rentrer dans votre ancienne carrière, répondit Dirk Hatteraick. Que le diable m’enlève, si je ne comptais pas venir vous voir, et vous parler de quelque chose qui vous intéresse ! — De l’enfant, dit Glossin avec empressement. — Ya, mein herr, répliqua le capitaine froidement. — Il ne vit plus… Vit-il encore ? — Il se porte aussi bien que vous et moi. — Bon Dieu ! mais du moins il est aux Indes ? — Non, mille diables ! il est ici, sur cette côte maudite. — Mais, Hatteraick, si… si cela est vrai… mais je ne puis encore le croire…. nous sommes perdus tous deux, car il se souviendra de notre joli tour… Son retour aurait les plus funestes conséquences, nous perdrait tous deux, je vous le dis. — Je vous dis que vous seul serez perdu… car je le suis déjà moi ; et si je dois être pendu pour cette affaire-ci, tout sera fini.

— Mille diables ! s’écria le juge dans un accès d’impatience, pourquoi êtes-vous revenu sur cette côte, comme un insensé ? — Que voulez-vous ? l’argent manquait, la maison était ébranlée, et je croyais que l’aventure était oubliée et enterrée depuis long-temps.

— Attendez… que peut-on faire ? dit Glossin avec anxiété. Je n’ose pas vous remettre en liberté… mais je pourrais arranger les choses de manière que vous fussiez délivré en chemin… oui, cela est possible… Écrivez un mot à Brown, votre lieutenant… Je vous ferai conduire par le chemin qui longe les côtes de la mer. — Non, non. Cela ne peut aller… Brown est mort… tué… enfermé dans le cercueil… Le diable lui ronge maintenant les os. — Mort ?… tué ?… À Woodbourne, je suppose ? répliqua Glossin. — Ya, mein herr. »

Glossin se tut pendant quelques minutes. La sueur ruisselait sur