Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/238

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qui seul connaissait la caverne. Nous achetâmes son silence avec la moitié des marchandises que nous avions sauvées. D’après son conseil, nous emmenâmes l’enfant en Hollande, sur un petit brick qui vint, la nuit suivante, nous prendre sur la côte. Cet homme était… — Non, je le nie… ce n’était pas moi, » s’écria Glossin ; et s’efforçant d’exprimer son démenti avec plus de force, il s’éveilla.

C’était sa conscience qui avait évoqué pour lui cette fantasmagorie intellectuelle. La vérité était que, connaissant mieux que personne les retraites des contrebandiers, pendant que les autres cherchaient de différents côtés, Glossin était allé droit à la caverne. Il ne connaissait pas encore le meurtre de Kennedy, qu’il s’attendait au contraire à trouver en leur pouvoir, et il venait avec l’intention d’employer sa médiation en sa faveur. Mais il les trouva en proie aux terreurs qui suivent le crime ; la rage qui les avait poussés au meurtre faisait place dans leurs cœurs, excepté dans celui d’Hatteraick, à la crainte et aux remords. À cette époque, Glossin était sans fortune et accablé de dettes, mais possédait déjà toute la confiance de M. Bertram, et connaissait bien la faiblesse de son caractère ; il entrevit tout-à-coup la possibilité de s’enrichir à ses dépens, si l’on faisait disparaître son héritier mâle, car, dans ce cas, le domaine devenait la propriété absolue et illimitée du prodigue M. Bertram. Séduit par l’intérêt du moment et par la perspective de s’enrichir par la suite, il accepta ce que, dans leur effroi, les contrebandiers lui offrirent, et les confirma ou plutôt les encouragea dans la pensée d’emmener avec eux le fils de son bienfaiteur. Ils ne pouvaient se dessaisir de cet enfant, qui était assez grand pour raconter la sanglante tragédie dont il avait été spectateur. La seule excuse qu’une conscience peu scrupuleuse offrit à Glossin, fut la force de la tentation qui lui montrait dans l’avenir des biens qu’il avait tant de fois convoités, en même temps qu’elle le tirait d’embarras pécuniaires au milieu desquels il allait avant peu succomber. Il s’efforça encore de se persuader que la nécessité de sauver sa vie autorisait sa conduite. Il était, jusqu’à un certain point, au pouvoir de ces brigands ; et s’il eût rejeté leurs offres, les secours qu’il aurait appelés, quoique peu éloignés, seraient arrivés trop tard pour le soustraire à ces hommes à qui un meurtre de plus aurait coûté si peu.

Tourmenté par les noirs pressentiments d’une conscience coupable, Glossin se leva, et se mit à la fenêtre. Tous les lieux que nous avons décrits au commencement de cet ouvrage étaient alors cou-