Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verts de neige ; et la blancheur éclatante mais triste de la terre contrastait avec la mer, à laquelle elle semblait donner une teinte noire et livide. Un paysage couvert de neige peut encore offrir quelque beauté ; mais le froid, l’obscurité et la solitude de la nuit lui donnent une teinte particulière de tristesse ; les objets que nous connaissons le mieux ont disparu, ou sont bizarrement déguisés et méconnaissables ; nos yeux s’égarent étonnés : c’est comme un monde inconnu. Mais ce n’étaient pas là les réflexions qui occupaient l’esprit de cet homme pervers. Ses yeux étaient fixés sur les contours gigantesques et sombres du vieux château. Dans une des tourelles, d’une dimension et d’une hauteur extraordinaire, brillaient deux lumières, l’une à la fenêtre de la salle où était enfermé Hatteraick, l’autre à celle de la chambre adjacente, occupée par les gardiens. « S’est-il échappé, pourra-t-il s’échapper ?… Ces hommes d’ordinaire si négligents auraient-ils exercé une surveillance qui devra consommer ma ruine ?… Si le jour arrive avant qu’il soit parti, il faudra l’envoyer en prison ; Mac-Morlan ou quelque autre instruira l’affaire… Il sera reconnu… convaincu… et pour se venger il dira tout. »

Pendant que ces effrayantes pensées se présentaient rapidement à l’imagination de Glossin, une des lumières disparut, comme interceptée par un corps opaque placé entre elle et la fenêtre. Quel moment critique ! « Il s’est délivré de ses chaînes… il travaille à soulever les barreaux de la fenêtre… rongés par la rouille, ils ne peuvent résister… Ô ciel ! ils sont tombés en dehors, je les ai entendus retentir sur les pierres ! Le bruit va les éveiller ! Que l’enfer confonde ce maladroit Hollandais !… La lumière reparaît… Ils l’ont repris, ils le garrottent ! Non, il s’est retiré un moment, alarmé par la chute des barreaux… le voilà revenu à la fenêtre, car la lumière disparaît… Il s’échappe. »

Un bruit sourd, tel que celui d’un corps qui tombe d’une certaine hauteur sur la neige, annonça qu’Hatteraick s’était heureusement échappé. Un moment après, Glossin vit une figure sombre, semblable à une ombre, se glisser le long du rivage blanchissant, et se diriger vers l’endroit où la barque était attachée : nouveau sujet d’alarme. « Il ne pourra à lui seul conduire la barque ! il faudra que j’aille aider ce misérable. Mais, non ! elle s’éloigne de la côte, et la voilà, grâce à Dieu, la voilà qui se déploie à la clarté de la lune… Oui, maintenant elle est sous le vent : plût à Dieu qu’il fût assez fort pour l’engloutir au fond de la mer ! »