Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/245

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guerre du damné capitaine Pritchard. C’est lui qui s’échappa et vint nous donner avis que l’Éclair était à nos trousses, le jour où fut réglé le compte de Kennedy ; il nous dit que c’était le jaugeur qui nous avait dénoncés. Les Bohémiens et le douanier ne vivaient pas en bonne intelligence. Ce garçon alla aux Indes orientales sur le même bâtiment que votre jeune homme, et, saprédié, il l’a bien reconnu, quoique l’autre ne se soit pas rappelé sa figure. Gabriel se cachait de lui, parce qu’étant déserteur et ayant servi contre l’Angleterre, il ferait chaud pour lui si on le reconnaissait. Il nous a fait savoir positivement que nous pouvions être sûrs que le jeune homme était ici… quoique je m’en m’inquiète aussi peu que d’un bout de câble. — Ainsi donc, réellement et sérieusement parlant, il est actuellement en ce pays ? Hatteraick, parlez-moi comme un ami parle à son ami, dit Glossin d’un air sérieux. — Oui, il y est. Tempête et tonnerres ! pour qui me prenez-vous donc ?

— Pour un scélérat déterminé et altéré de sang, » pensa tout bas Glossin ; mais il ajouta tout haut : « Et qui est celui de vous qui a tiré sur le jeune Hazlewood ? — Mille tempêtes ! Croyez-vous que nous avons perdu l’esprit ?… Ce n’est pas un de nous… non ! il fait déjà assez chaud dans ce pays, depuis que ce damné imbécile de Brown a attaqué la maison de Woodbourne, comme vous l’appelez.

— Mais, reprit Glossin, on m’a dit que c’était Brown qui avait tiré sur Hazlewood. — Non pas Brown ; car la veille du jour de l’événement, il était couché à six pieds sous terre à Derncleugh, Mille diables ! croyez-vous qu’il eût pu sortir de terre pour tirer sur un autre homme ? »

Un rayon de lumière commença à briller au milieu des idées confuses de Glossin.

« Ne m’avez-vous pas dit que le jeune homme, comme vous l’appelez, était connu sous le nom de Brown ? — Oui… le vieux Van Beest Brown, de notre maison Van Beest et Van Bruggen, lui fit prendre son nom, cela est vrai. — Alors, dit Glossin se frottant les mains, c’est lui, par le ciel, qui a commis le crime. — Et que nous importe ? » demanda Hatteraick.

Glossin se tut un instant ; et son esprit fertile en expédients lui inspira sur-le-champ un nouveau projet ; il s’approcha alors du contrebandier avec un air de confiance. « Vous savez, mon cher Hatteraick, que notre principale affaire est de nous débarrasser de ce jeune homme ? — Hem ! interrompit Hatteraick. — Non, continua Glossin… non que je lui veuille le moindre mal, si… si… si