Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/260

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pas loin de ce train-là, dit le guide ; je parierais une couronne qu’il n’arrivera pas au bout de la rue sans rencontrer quelqu’un qui lui cherche querelle. »

Cet augure ne se vérifia pas : en regardant la taille et la vigueur du colossal Dinmont, ceux qu’il heurtait ainsi le jugeant sans doute d’un trop dur métal pour s’y frotter, le laissaient passer son chemin sans rien dire. Mannering marchait sur les pas de Dinmont ; mais enfin celui-ci s’arrêta, et se tournant vers le guide du colonel, il lui dit : « Je crois, mon ami, que c’est ici la cachette. — Oui, oui, répliqua Donald, c’est ici la cachette. »

Dinmont fit encore quelques pas, prit une allée obscure, monta un escalier non moins sombre, et entra dans une chambre dont il vit la porte ouverte. Pendant qu’il appelait à grand bruit le garçon, comme s’il eût appelé un de ses chiens, Mannering regardait autour de lui, et se demandait comment un homme instruit, bien élevé, et exerçant une profession libérale, pouvait choisir un tel endroit pour y passer ses récréations. Sans parler de l’entrée, qui était horrible, la maison était misérable et tombait en ruine. La chambre où ils se trouvaient en ce moment n’était que faiblement éclairée par une petite fenêtre qui en tout temps, mais principalement vers le soir, donnait accès à un mélange confus d’odeurs désagréables ; vis-à-vis, et du côté opposé, était un vitrage qui donnait sur la cuisine, laquelle n’avait pas de communication avec l’air extérieur, mais recevait pendant le jour un peu de la clarté obscure et nébuleuse que la fenêtre opposée tirait d’une petite rue fort étroite. En cet instant l’intérieur de la cuisine, éclairé par de larges feux, était un vrai pandémonion où hommes et femmes, à demi vêtus, étaient occupés à faire de la pâtisserie, à préparer des huîtres, et à faire bouillir ou rôtir toutes sortes de viandes. Les souliers en pantoufles, ses cheveux, semblables à ceux d’une Mégère, s’échappant de dessous un petit bonnet rond qui lui couvrait les oreilles, la maîtresse de la maison s’agitait, criait, donnait des ordres, en recevait, commandait et obéissait tour à tour, et semblait la magicienne qui régnait sur ces régions ténébreuses.

De fréquents et bruyants éclats de rire qui s’élevaient dans les différentes parties de la maison, prouvaient que ces travaux étaient agréables à un nombreux public. Un garçon se décida, non sans peine, à indiquer au colonel Mannering et à Dinmont l’endroit où leur ami le docte légiste célébrait ses orgies hebdomadaires. La scène qui s’offrit à leurs yeux quand ils entrèrent, et surtout l’at-