Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/279

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dre s’il existe des dispositions postérieures ? — Permettez, s’il vous plaît, monsieur Pleydeil. » Et prenant l’acte des mains de l’avocat, il en parcourut la teneur.

« Trop tranquille, dit M. Pleydeil, trop tranquille de moitié ; il a, pour sûr, un autre testament dans sa poche. — Pourquoi ne le montre-t-il donc pas ? Que le diable l’enlève ! » dit le colonel, dont la patience ne tenait plus qu’à un fil.

« Pourquoi ?… Comment le saurais-je ? répondit l’avocat. Pourquoi un chat ne tue-t-il pas un rat, sitôt qu’il l’a pris ? Le plaisir de sentir son pouvoir et celui de tourmenter !… je suppose… Eh bien ! monsieur Protocole, que dites-vous de cet acte ?… — Mais, monsieur Pleydell, cet acte est fort bien rédigé, il est très authentique, et revêtu de toutes les formalités voulues par la loi. — Mais révoqué ou abrogé par un autre, de date postérieure, qui est en votre possession. — Quelque chose comme ça, je l’avoue, monsieur Pleydell, » répliqua l’homme d’affaires en tirant de sa poche un rouleau de papier attaché avec de la ficelle, scellé à chaque bout, et sur chaque nœud de la ficelle, avec de la cire noire. « L’acte que vous me produisez, monsieur Pleydell, est du 1er juin 17… et celui-ci (en rompant les cachets et en déroulant le papier avec lenteur) est du 20… non, je me trompe… du 21 avril de la présente année ; il est donc de six années postérieur. — Que le ciel lui casse le cou ! dit le conseiller, empruntant cette imprécation à sir Toby Belch. C’est justement le mois où la ruine d’Ellangowan devint publique ! Mais voyons de quoi il s’agit… »

M. Protocole ayant demandé du silence, commença à lire la pièce d’une voix lente, bien articulée : véritable voix d’homme d’affaires. Le groupe qui l’entourait, les yeux tour à tour brillants ou éteints, selon les alternatives de la crainte ou de l’espérance, appliquant toute son attention pour saisir la volonté de la testatrice à travers les expressions techniques sous lesquelles le notaire les avait enveloppées, aurait été une étude digne d’Hogarth.

Personne ne s’attendait au contenu du testament. Il donnait en toute propriété les domaine et terres de Singleside, sans exception ni réserve, comprenant les terres de Loverles, Licalme, Spinter’s Knowe, etc., etc. (ici le lecteur fit descendre sa voix jusqu’au-dessous même du piano), à Pierre Protocole, clerc du sceau ; ayant (la testatrice) la confiance la plus entière dans sa capacité et son intégrité (ce sont ses propres expressions, que feu ma digne amie voulut absolument faire insérer) ; mais à titre de fidéi-commis