Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/30

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épousa la fille d’un fanatique enragé qui avait un siège au conseil d’état, et par cette union sauva le reste de son patrimoine. Mais, comme si le malheur l’eût voulu, il s’éprit des principes de sa dame aussi bien que de ses charmes, et mon auteur lui donne ce caractère : — C’était un homme de résolution et à parti violent, ce qui le fit choisir par les comtés de l’ouest comme un des membres du comité des nobles et des gentilshommes pour porter leurs plaintes au conseil privé de Charles II, lors de la revue de l’armée dans les Highlands en 1678. Pour s’être chargé de cette mission patriotique, il fut condamné à une amende, et pour la payer il fut obligé d’engager la moitié de ce qui lui restait de l’héritage paternel. Il pouvait réparer cette perte par une sévère économie ; mais aussitôt qu’Argyle eut levé l’étendard de la révolte, Denis Bertram, de nouveau suspect au gouvernement, fut arrêté et envoyé au château de Dunnotar, sur la côte de Mearns, et là il se rompit le cou en cherchant à s’échapper d’un souterrain nommé la voûte du Whig, dans lequel il était renfermé avec environ quatre-vingts partisans de ses opinions. L’apprizer[1] cependant (ainsi se nommait alors l’appréciateur de l’hypothèque) entra en possession, et, selon le langage d’Hotspur, il vint gaillardement enlever à la famille une autre énorme partie de ce qui restait de l’héritage.

Donohoe Bertram, avec quelque chose d’irlandais dans son nom et dans son caractère, succéda à la propriété diminuée d’Ellangowan. Il chassa de chez lui le chevalier Aaron Macbriar, le chapelain de sa mère. (On dit qu’ils s’étaient querellés pour les bonnes grâces d’une vachère.) Il buvait chaque jour à la santé du roi, du conseil et des évêques, faisait des orgies avec le laird de Lagg, Théophile Oglethorpe et sir James Turner ; et enfin il monta son cheval gris hongre et joignit Claverhouse à Killiecrankie. À l’escarmouche de Dunkeld, en 1689, il fut tué d’un coup de fusil par un caméronien qui y avait mis un bouton d’argent (car on supposait que d’après un pacte avec le diable il était à l’épreuve du plomb et de l’acier), et son tombeau est encore appelé le tombeau du mauvais laird.

Son fils Lewis avait plus de prudence qu’il semblait n’en appartenir à cette famille. Il prit soin du patrimoine qui lui restait encore, car les excès de Donohoe, aussi bien que ses amendes et ses crimes, avaient fait une autre brèche à l’héritage. Cependant il ne put éviter la fatalité qui poussait les lairds d’Ellangowan à se mêler

  1. Celui qui s’informe, prend des renseignements. a. m.