Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/300

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rocher. Plus d’une fois, au clair de la lune, j’ai débarqué là mes marchandises. »

Pendant qu’il parlait ainsi, ils doublèrent une pointe de rocher, et trouvèrent un petit port formé en partie par la nature, et en partie par le travail infatigable des anciens propriétaires du château ; car, comme l’avait remarqué le pêcheur, ils avaient cru nécessaire de creuser un petit port pour protéger leurs barques et leurs petits bateaux : celui-là ne pouvait recevoir aucun bâtiment de quelque importance. Les deux pointes de rocher qui en formaient l’entrée étaient si rapprochées l’une de l’autre, qu’une seule barque pouvait y pénétrer à la fois. De chaque côté on voyait encore deux énormes anneaux de fer profondément scellés dans le roc. À travers ces deux anneaux, s’il faut en croire la tradition, on passait tous les soirs une chaîne fermée par un énorme cadenas, pour la sûreté du port et celle de l’Armada qu’il contenait. À l’aide du ciseau et de la pioche, un banc de rocher avait été transformé en une sorte de quai. Le roc était extrêmement dur, et ce travail par conséquent si difficile, qu’un ouvrier, après y avoir été employé toute la journée, pouvait le soir, dit le pêcheur, rapporter dans son bonnet tout ce qu’il en avait détaché. Ce petit quai communiquait à un escalier extrêmement roide, dont il a déjà été parlé, et qui montait au vieux château. On pouvait même aller du rivage au quai, en gravissant par dessus ces rochers.

« Vous ne pouvez trouver un meilleur endroit pour débarquer, car la côte est haute et à pic à Stellicoat-Stone ; et si nous avons un câble sec dans notre bateau, c’est là que nous débarquerons notre cargaison… Non… non, ajouta-t-il en voyant que Brown voulait lui donner de l’argent, vous avez gagné votre passage ; vous avez mieux travaillé que pas un de nous. Bonjour ; je vous souhaite un bon voyage ! »

En même temps il prit le large, pour aller débarquer ses marchandises de l’autre côté de la baie, et Brown resta seul sur le rocher, au-dessous des ruines, son petit paquet à la main : c’était le nouvel habit qu’il avait été obligé d’acheter à Allonby.

C’est ainsi que s’ignorant lui-même, et tel qu’un étranger qui n’aurait jamais vu ces lieux ; dans une situation sinon désespérée, au moins fort embarrassante ; n’ayant pas, à plusieurs centaines de milles à la ronde, un ami dont il pût se réclamer ; sous le poids d’une accusation capitale, et, ce qui était aussi alarmant que tout le reste, presque aussi pauvre qu’un mendiant : c’est ainsi que,