Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/302

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de la porte, étaient trois têtes de loup placées diagonalement entre le haubert et le cimier, et au-dessous un loup percé d’une flèche. Elles avaient pour support de chaque côté un sauvage ceint et couronné, pour nous servir du langage du blason, tenant à la main un chêne déraciné, c’est-à-dire les racines en l’air.

« Et les descendants des puissants barons à qui appartenait cet écusson, « se dit en lui-même Bertram se livrant aux idées qu’inspirent naturellement de telles scènes, « sont-ils encore propriétaires de ce château que leurs pères avaient pris la peine de si bien fortifier ? ou sont-ils errants, ignorant même la renommée et la puissance dont jouirent leurs aïeux, tandis que leur domaine héréditaire est possédé par une famille étrangère ? Pourquoi, » se demandait-il à lui-même en s’abandonnant à la succession de pensées que ce spectacle faisait naître en son esprit ; « pourquoi y a-t-il des scènes qui réveillent en nous des idées qu’on prendrait pour des songes, pour des souvenirs d’enfance, vagues et confus, tels que mon vieux Bramine Mounschi les aurait attribués à la mémoire d’une existence qui a précédé celle-ci ? Serait-ce que les visions que nous présentent nos rêves, flottant confusément dans notre souvenir, sont ranimées par la présence des objets réels qui correspondent aux fantômes que ces visions ont offerts à notre imagination ?… Lorsque nous nous trouvons pour la première fois dans une société, ne nous arrive-t-il pas souvent d’éprouver un sentiment mystérieux et mal défini, qui fait que ni le lieu, ni les personnes, ni le sujet de la conversation, ne sont pas entièrement nouveaux pour nous, et que nous pourrions presque réciter d’avance un entretien qui n’a pas encore eu lieu ? Voilà l’effet que j’éprouve en contemplant ces ruines. Non ! je ne puis m’ôter de l’esprit que ces tours massives, cette porte sombre qui s’enfonce sous ces arches voûtées et cannelées, éclairées à peine par la lumière de la cour, ne sont pas tout-à-fait étrangères pour moi. Ces objets auraient-ils été familiers à mon enfance ? Serait-ce dans leur voisinage que je pourrais retrouver les amis dont mon cœur a conservé un tendre quoique bien faible souvenir, et que, bien jeune encore, j’ai changés pour des maîtres si impitoyables ? Cependant Brown, que je ne puis soupçonner d’avoir voulu me tromper, m’a dit que j’avais été enlevé sur la côte de l’est, après un combat où mon père avait perdu la vie ; et une scène horrible, qui ne me permet pas de douter de la véracité de son récit, se retrace encore à mon souvenir. »

Par un hasard singulier, l’endroit où le jeune Bertram s’était