Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/322

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CHAPITRE XLIV.

LA PRISON.


Une prison, c’est un séjour de peines, un endroit où personne ne se corrige, une pierre de touche pour éprouver un ami, un tombeau pour tout être vivant ; c’est quelquefois la demeure de l’innocent, quelquefois la demeure du coupable, quelquefois la demeure du voleur, du brigand et de l’honnête homme.
Inscription sur la prison d’Édimbourg.


Le lendemain, de grand matin, la voiture qui avait amené Bertram au château d’Hazlewood le conduisit, lui et ses deux surveillants toujours silencieux et farouches, au lieu de sa détention, à Portanferry. La prison était adjacente à la douane établie dans ce petit port. Ces deux bâtiments étaient situés si près du bord de la mer qu’il avait fallu les protéger par un large et solide rempart ou boulevard de grosses pierres, disposées en pente du côté de la mer, dont les flots venaient souvent le baigner et s’y briser. La prison servait de maison de correction, et souvent même de succursale à la prison du comté, qui était vieille et loin d’être convenablement située par rapport au district de Kippletringan ; elle était entourée de hautes murailles, et avait une petite cour où l’on permettait quelquefois aux malheureux habitants de ce séjour de se promener et de prendre l’air. Mac-Guffog, qui avait un des premiers mis la main sur Bertram et qui l’accompagnait alors, était concierge de cette désagréable demeure. Il fit arrêter la voiture tout près de la porte et descendit lui-même pour frapper. Le bruit du marteau attira vingt ou trente enfants en guenilles qui s’amusaient à faire naviguer des chaloupes et des frégates de leur invention sur les petites flaques d’eau salée que la marée laissait en se retirant, et qui, abandonnant tout, eurent bientôt entouré la voiture pour voir le malheureux qui allait sortir « du bel équipage neuf de Glossin » pour entrer en prison. La porte de la rue, après un long bruit de pesantes chaînes et de verroux, fut enfin ouverte par mistress Mac-Guffog, un véritable monstre, une femme vigoureuse et déterminée, capable de maintenir l’ordre parmi son monde, et de faire exécuter, comme on disait, la discipline de la maison lorsque son époux s’absentait ou prenait une trop forte dose d’eau-de-vie. La voix grognarde de l’amazone, qui rivalisait en rudesse la rauque