Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/331

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et sa faim dévorante. Enfin, après avoir avalé un bon coup de petite aie, il se remit à causer.

« Ma foi, dit-il en regardant les restes d’une superbe poularde, elle n’était pas trop mauvaise pour une poularde élevée en ville ; mais cela n’approche pas encore de nos gros poulets de Charlies-Hope ! Parbleu, capitaine, je suis content de voir que cette vilaine plaisanterie ne vous ait pas ôté l’appétit. — Oh ! c’est que mon dîner, monsieur Dinmont, n’était pas assez succulent pour faire tort à mon souper. — Je le crois, je le crois. Mais, la fille, maintenant que vous nous avez donné l’eau-de-vie, l’eau chaude et le sucre, tout est bien : vous pouvez nous laisser et tirer la porte, car nous avons à causer d’affaires. » La servante s’en alla donc, ferma la porte de la chambre, et mit même par précaution les verroux en dehors.

Dès qu’elle fut partie, Dandie alla reconnaître les lieux, écouta au trou de la serrure, comme s’il eût voulu entendre une loutre respirer, s’assura, en un mot, que le mur n’avait point d’oreilles, et revint se mettre à table. Alors, remplissant son verre pour se donner de la gaîté, comme il le disait, et remuant le feu, il commença son histoire d’un ton de gravité et d’importance qu’il ne prenait pas souvent.

« Vous saurez, capitaine, que dernièrement j’ai passé deux ou trois jours à Édimbourg, à cause du décès d’une parente, et j’espérais bien avoir ma part de la succession ; mais il y a toujours des désappointements, et qui peut y remédier ? J’avais aussi un petit procès ; mais il ne s’agit pas de cela en ce moment… Après avoir fini mes affaires, je revins à la maison. Le lendemain au point du jour, j’allai voir mes troupeaux, et, chemin faisant, il me prit envie de pousser jusqu’à Touthope-Rig, où passent les limites sur lesquelles Jack de Dawston et moi nous sommes en dispute. Eh bien ! comme j’y arrivais, je vis devant moi un homme que je ne reconnus pas pour un de nos bergers, car c’est un lieu où l’on rencontre souvent du monde : mais, en m’avançant davantage, je m’aperçus que c’était Tod Gabriel, le chasseur au renard. « Tiens, camarade ! lui dis-je un peu surpris, que faites-vous donc seul dans ces montagnes ! Est-ce que vous chassez le renard sans vos chiens ? — Non, mon brave homme, me dit-il, mais je vous cherchais. — Ah ! lui dis-je, auriez-vous besoin d’assistance, de quelque chose pour votre hiver ? — Non, non, répondit-il, ce n’est pas cela. Mais, dites-moi, ne vous intéressez-vous pas à ce capitaine Brown