Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son hôtesse était de bonne humeur, de la permission d’étudier sa leçon auprès de son feu. Malgré tous ces désavantages, il acquit une connaissance parfaite du grec et du latin et quelque teinture des sciences.

Avec le temps, Abel Sampson, probationer[1] en théologie, fut admis au privilège de prêcher. Mais, hélas ! sa propre timidité, et une forte et visible envie de rire qui s’empara de l’auditoire au premier mot qu’il prononça, le rendirent totalement incapable d’achever le discours qu’il avait préparé. Il poussa fortement son haleine, fit la grimace, roula ses yeux d’une manière si affreuse, que l’auditoire crut qu’ils allaient lui sortir de la tête, ferma sa bible, descendit en trébuchant l’escalier de la chaire, renversant les vieilles femmes qui s’y placent ordinairement : cette affaire lui valut le nom du « ministre arrêté[2] ». Il fut obligé de retourner dans son pays, ses espérances et ses projets étant renversés, et de partager la pauvreté de ses parents. Comme il n’avait ni ami ni confident, à peine même une connaissance, personne ne put bien remarquer comment Dominie Sampson supportait un désappointement qui avait fourni une semaine de gaîté à toute la ville. On ne finirait point s’il fallait mentionner les nombreux bons mots auxquels il donna naissance, depuis la ballade intitulée l’Énigme de Sampson, composée sur ce sujet par un jeune humaniste très satirique, jusqu’à la plaisanterie du principal qui espérait que le fugitif n’avait pas, comme son vigoureux homonyme, emporté les portes du collège avec lui en se sauvant[3].

D’après toutes les apparences, l’égalité d’esprit de Sampson ne pouvait être ébranlée. Il chercha à secourir ses parents en ouvrant une école ; il eut bientôt de nombreux écoliers, mais très peu le payaient. En effet, il donnait des leçons aux fils des fermiers pour ce qu’ils voulaient lui payer, et aux pauvres pour rien ; et à la honte des premiers, il faut dire que les gages du précepteur n’égalaient jamais ceux d’un garçon de charrue. Cependant il avait une belle main, et il ajoutait quelque chose à son gain en copiant des comptes et en écrivant des lettres pour Ellangowan. Par degrés, le laird, qui ne voyait pas la société, devint désireux de celle de Do-

  1. Probationer ; prêtre qui est pour ainsi dire à l’épreuve, qui peut prêcher, mais non administrer les sacrements. a. m.
  2. On dirait trivialement le ministre collé ou capot ; et d’après le langage des romantiques, le ministre enfoncé. a. m.
  3. Walter Scott a voulu jouer ici sur les mots Samson et Sampson. a. m.