Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/361

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une semaine durant la session… Ce n’est pas un petit sacrifice. Mais j’avais l’idée que je serais utile, et je dois ici poursuivre une preuve. Mais, colonel, veuillez me présenter à ces dames… Ah ! en voici une que j’aurais reconnue tout d’abord, à son air de famille. Miss Lucy Bertram, ma chère amie, je suis heureux de vous revoir. » Et il la serra dans ses bras, en lui donnant sur chaque joue un baiser que Lucy reçut avec résignation et en rougissant. « On ne s’arrête pas en si beau chemin[1], continua le joyeux vieillard ; et le colonel l’ayant présenté à Julia, il prit la même liberté avec les joues fraîches de la jolie fille. Julia sourit, rougit, et fit un pas en arrière. « Je vous demande mille pardons, dit l’avocat ; mais l’âge et les vieilles coutumes donnent des privilèges, et je ne puis dire si je suis plus affligé d’avoir tant de titres pour les réclamer, qu’heureux de rencontrer une occasion si agréable de les exercer. » Ces paroles furent accompagnées d’un salut plein d’aisance et de grâce, qui ne se ressentait nullement de sa profession.

« En vérité, monsieur, dit miss Mannering, si vous faites des compliments si flatteurs, nous douterons que vous ayez réellement droit aux privilèges que vous réclamez. — Vous avez raison, Julia, dit le colonel ; mon ami l’avocat est un homme très dangereux : la dernière fois que je l’ai vu, il était enfermé avec une belle dame qui lui avait accordé un tête-à-tête à huit heures du matin. — Oui, colonel, répliqua Pleydell ; mais vous oubliez d’ajouter que je devais plus à mon chocolat qu’à mon mérite une faveur si précieuse de la part d’une personne de la condition et de la beauté de miss Rébecca. — Cela me fait penser, monsieur Pleydell, à vous offrir du thé, dit Julia, en supposant, bien entendu, que vous avez dîné. — De vos mains, miss Mannering, je ne puis rien refuser. Oui, j’ai dîné comme on dîne dans une auberge d’Écosse. — C’est-à-dire assez mal, » ajouta le colonel en portant la main à la sonnette ; « permettez-moi de vous faire servir quelque chose. — Mais, à vous dire vrai, ce n’est pas la peine, je me suis occupé de cette petite affaire ; car il faut vous dire que je me suis arrêté un instant dans la cuisine pour quitter mes grosses bottes, un peu larges pour mes pauvres allumettes, » dit-il en regardant avec complaisance ses jambes qui étaient fort bien encore pour son âge. « J’ai dit deux mots à votre Barnes, garçon très entendu, que je suppose être le maître-d’hôtel ; et il a été arrêté entre nous, tota re respecta[2] (je

  1. En français dans le texte. a. m.
  2. La chose mûrement examinée. a. m.