Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/362

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demande pardon à miss Mannering pour ces mots latins), que la vieille cuisinière ajouterait à votre petit souper de famille le mets un peu plus substantiel de deux canards sauvages. Je lui ai communiqué (toujours avec la soumission la plus humble) mes idées relativement à la manière de les préparer ; elles se sont trouvées parfaitement d’accord avec les siennes propres : et si vous voulez le permettre, j’attendrai que ce mets soit prêt avant de rien manger de solide. — Nous avancerons l’heure ordinaire de notre souper. — De tout mon cœur, pourvu que nous n’en perdions pas la compagnie de ces dames un instant plus tôt. Je suis de l’avis de mon ami Burnet[1], j’aime le cœna, le souper des anciens, charmant repas dont la bonne chère et la joyeuse influence du vin chassent de l’esprit les soucis que les affaires ou le chagrin y ont fait pénétrer dans le cours de la journée. »

Les regards vifs, les manières enjouées de M. Pleydell, la liberté avec laquelle il se mettait à son aise pour toutes ses petites commodités d’épicurien, amusèrent ces demoiselles, particulièrement miss Mannering, qui eut pour lui les attentions les plus flatteuses et les plus marquées. Aussi se fit-il autour de la table à thé un échange réciproque de mille jolies choses que nous n’avons pas le loisir de rapporter.

Aussitôt que l’on eut desservi, Mannering prit l’avocat par le bras, et le conduisit dans un petit cabinet contigu au salon, et dans lequel, selon l’usage de la maison, il y avait tous les soirs de la lumière et du feu.

« Je vois, dit M. Pleydell, que vous avez quelque chose à me dire relativement à l’affaire d’Ellangowan. Est-ce du naturel ou du surnaturel ? Que dit mon belliqueux Albumazar ? Avez-vous calculé le mouvement des planètes pour découvrir l’avenir ? Avez-vous consulté vos Éphémérides, votre Almochodon, votre Almuten ? — Non, en vérité ; et vous êtes le seul Ptolomée à qui je compte m’adresser en cette occasion. Comme un second Prospero j’ai brisé ma baguette, et jeté mon livre magique dans des abîmes sans fond. Néan-

  1. Le Burnet dont le goût pour le repas du soir des anciens est cité par M. Pleydell, était lord Monboddo, fameux métaphysicien et homme excellent, qui, élevé à la dignité de juge écossais, prit le nom du domaine de sa famille. Sa philosophie, comme on le sait, était un peu bizarre et fantastique ; mais il possédait des connaissances profondes et une éloquence singulière qui rappelait Vos rotundum de la secte académique. Enthousiaste des habitudes classiques, il ne traitait ses amis que le soir. a. m.