Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de votre père ; je suis arrivé aussi inopinément dans la maison d’Ellangowan, le soir même de votre naissance, que vous aujourd’hui dans la mienne. J’ignorais tout-à-fait qui vous étiez quand… Mais que toute mésintelligence cesse entre nous. Croyez-moi, votre apparition ici, sous le nom de Brown, en me donnant la preuve que vous avez survécu à notre malheureux duel, m’a délivré d’un sentiment bien pénible ; et le droit que vous avez de prendre le nom d’un ancien ami me rend votre présence ici, monsieur Bertram, doublement agréable. — Et mon père ? et ma mère ? — Ils ne sont plus… et le domaine de votre famille a été vendu ; mais j’espère que vous le recouvrerez. Je me trouverai heureux de vous aider de tous mes moyens pour faire reconnaître vos droits, si vous me permettez d’y contribuer en quelque chose. — Non, non, dit l’avocat, cela me regarde ; c’est mon affaire, et j’en veux tirer de l’argent. — Assurément, reprit Dinmont, ce n’est pas aux gens de mon espèce à parler devant des gentilshommes, mais s’il faut de l’argent pour faire marcher le procès du capitaine, car on dit que sans argent les procès ne marchent que sur une roue… — Excepté le samedi soir, dit M. Pleydell. — Oui ; mais quand Votre Honneur refuse les honoraires, il refuse aussi de plaider la cause ; aussi je n’irai jamais vous consulter le samedi soir. Mais, comme je disais, dans le spleuctran[1] il y a de l’argent à la disposition du capitaine, car Ailie et moi nous sommes convenus de cela. — Non, non, Dandie… c’est inutile, tout-à-fait inutile… garde ton argent pour augmenter ta ferme. — Augmenter ma ferme ! Votre Honneur connaît bien des choses, mais il ne connaît pas la ferme de Charlies-Hope. Rien n’y manque ; et le troupeau, en peaux et en laine, nous rapporte plus de six cents livres par an. — Ne pouvez-vous en prendre une seconde ? — Mais je ne vois pas trop comment. Le duc n’en a pas de vacante, et il ne peut penser à mettre à la porte les anciens tenanciers ; je ne voudrais pas, d’ailleurs, faire ma fortune par le whistling[2]… faire monter la rente de mes voisins. — Quoi ! pas même celle de ton voisin Dawston… de Davilstone ? Comment appelles-tu cet endroit-là ? — Qui ? Jack de Dawston ? non pas vraiment. C’est un entêté et un querelleur, toujours en

  1. Petit sac pour le tabac, dont on se sert quelquefois pour mettre de l’argent. a. m.
  2. Le whistling a lieu lorsque l’un des fermiers d’une grande propriété donne au propriétaire ou à ses agents des avis pour élever la rente des autres fermiers ses voisins. Cela est considéré, on devine aisément pourquoi, comme une action très blâmable. a. m.