Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/390

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un warrant en bonne forme pour la mise en liberté de Bertram, autrement dit Brown, ils se retirèrent.

Entrés dans la voiture, Pleydell et Mannering se jetèrent chacun dans un coin, et gardèrent quelque temps le silence. Le colonel prit la parole le premier :

« Ainsi vous comptez abandonner ce pauvre jeune homme à la première attaque ? — Qui, moi ? je n’abandonnerais pas un cheveu de sa tête, quand je devrais, pour le sauver, aller plaider jusque devant la Cour souveraine. Qu’eussions-nous gagné à entamer une discussion et à découvrir nos projets à ce vieil âne ? Il vaut bien mieux qu’il puisse dire à son ami Glossin que nous sommes indifférents ou tièdes sur cette affaire. D’ailleurs je voulais reconnaître les dispositions de l’ennemi. — Très bien ; je vois que le barreau a ses stratagèmes aussi bien que la guerre. Et comment trouvez-vous leur plan de campagne ? — Ingénieux ; mais il ne réussira pas. Ils prennent trop de précautions : c’est une faute ordinaire. »

Tendant qu’ils causaient ainsi, la voiture roulait rapidement sur la route de Woodbourne. Rien ne leur arriva dans ce trajet qui puisse intéresser le lecteur ; seulement ils rencontrèrent le jeune Hazlewood à qui le colonel apprit l’extraordinaire aventure de Bertram : Charles reçut cette heureuse nouvelle avec le plus vif plaisir, et prit les devants afin d’aller féliciter miss Bertram sur un événement si heureux et si inattendu.

Retournons maintenant auprès de la société qui était restée à Woodhourne. Après le départ de Mannering, la conversation tomba naturellement sur la famille d’Ellangowan, ses domaines, son antique pouvoir. « C’est donc au château de mon père que j’abordai, il y a quelques jours, presque commue un vagabond ! ces tours à demi ruinées, ces voûtes sombres éveillaient en moi mille pensées, mille souvenirs que je ne pouvais m’expliquer. Je les visiterai maintenant avec d’autres sentiments, avec de meilleures espérances. — N’y allez pas à présent, lui dit sa sœur ; la demeure de nos ancêtres est devenue celle d’un misérable aussi perfide que redoutable, dont les ruses et la bassesse ont consommé la ruine et brisé le cœur de notre infortuné père. — Vous augmentez, lui répliqua son frère, mon impatience de rencontrer ce misérable. Je crois l’avoir vu… — Mais il faut considérer, dit Julia, que vous êtes maintenant sous la garde de Lucy et sous la mienne, et que nous sommes responsables de toutes vos actions. Pensez aussi que ce n’est pas pour rien que depuis douze heures je suis la dame des pensées d’un avocat. Je vous