Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne proféra pas une parole. « Alors, adieu… Que Dieu vous pardonne !… Votre main a donné la force à mon témoignage. Vivante, j’étais une misérable folle de Bohémienne ; j’ai été fouettée, bannie, marquée du fer rouge ;… j’ai mendié mon pain de porte en porte ;… j’ai été chassée, comme une bête fauve, de paroisse en paroisse… Qui eût voulu donner la moindre confiance à mes paroles ? Mais maintenant je suis une femme mourante, et mes paroles ne tomberont pas plus à terre que la terre ne couvrira votre dernier crime. »

Ici elle s’arrêta : tout le monde sortit, excepté le chirurgien et deux ou trois personnes. Après avoir examiné sa blessure, le docteur secoua la tête, et céda sa place au ministre.

Un constable avait arrêté sur la grande route une chaise de poste qui retournait à vide à Kippletringan, pensant qu’elle serait utile pour transporter Hatteraick à la prison. Le postillon, apprenant ce qui se passait à Derncleugh, laissa ses chevaux à la garde d’un enfant, se confiant sans doute davantage à leur sagesse, finit de leurs longues années, qu’à celle de leur nouveau gardien, et courut à toutes jambes pour voir, comme il le disait, « quelle farce se jouait là-bas. » Il arriva au moment où les paysans et les fermiers, dont le nombre s’accroissait d’un moment à l’autre, las de contempler les traits sauvages de Hatteraick, tournaient leur attention sur Bertram. Presque tous, les plus âgés surtout, qui avaient vu Ellangowan dans sa jeunesse, confirmaient les déclarations de Meg Merrilies. La circonspection est une qualité innée chez l’Écossais ; en songeant qu’un autre était en possession du domaine d’Ellangowan, ils se bornèrent à se communiquer, à voix basse, le résultat de leurs réflexions. Le postillon (c’était notre ami Jack Jabos) s’ouvrit un passage au milieu du groupe ; il n’eut pas plus tôt fixé les yeux sur Bertram, qu’il recula frappé d’étonnement, et s’écria d’une voix solennelle : « Aussi sûr que j’existe, c’est le vieux Ellangowan sorti du tombeau ! »

Cette déclaration publique d’un témoin désintéressé fut l’étincelle qui devait faire éclater l’enthousiasme populaire ; cet enthousiasme s’exprima par trois exclamations distinctes : « Bertram pour toujours !… Longue vie à l’héritier d’Ellangowan !… Que le ciel le rétablisse dans ses biens, pour vivre au milieu de nous, comme ses ancêtres ont fait ! »

« J’ai été soixante ans sur leur domaine, » dit l’un.

« Moi et les miens, nous y avons été soixante ans, et puis soixante