Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/42

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qui étaient sur le rivage, et les lumières disparurent à l’instant. Il était une heure après minuit, et la vue était magnifique de ce côté ; les vieilles tours grises du château ruiné, moitié conservées, moitié renversées, d’un côté portant les marques des ravages du temps et de la rouille, de l’autre couvertes en partie d’un manteau de lierre, s’étendaient le long du rocher obscur qui s’élevait à la droite de Mannering. Devant lui était la baie tranquille, dont les petites vagues brillantes étincelaient aux rayons de la lune, roulaient en ondes sinueuses à sa surface, et venaient, en bouillonnant avec un doux murmure, se briser sur le rivage boisé. À sa gauche, des forêts s’avançaient au loin dans l’Océan, se balançant et prenant à la clarté de la lune les formes les plus variées et les plus ondoyantes ; elles offraient cette variété d’ombre et de lumière, intéressant mélange de clairières et de taillis, sur lesquels l’œil aime à se reposer, charmé de ce qu’il voit, et curieux de pénétrer plus avant dans les détours de ces sites boisés. Au dessus de sa tête roulaient les planètes, chacune dans son orbite liquide de lumière, et distinguée par sa clarté des étoiles inférieures ou plus éloignées. L’imagination peut si étrangement abuser ceux-là même par la volonté desquels elle a été excitée, que Mannering, tout en regardant ces corps brillants, penchait presque entièrement à leur accorder l’influence que la superstition leur attribue sur les événements humains. Mais Mannering était un jeune amant, et il pouvait peut-être aussi lui-même être influencé par les sentiments si bien exprimés par un poète moderne :

La Fable est le berceau, le monde de l’Amour :
Talismans et férie embellissent sa cour ;
L’Amour se plaît à voir les esprits et les songea.
Comme des déités ou d’aimables mensonges.
Des poètes anciens les riches fictions,
La douce humanité de leurs religions,
La beauté, le pouvoir, la majesté suprême,
Qui peuplaient l’Hélicon ou les bois d’Acadème,
Les bords d’une fontaine ou bien des clairs ruisseaux,
Ou l’étendue immense et l’abîme des eaux :
Tout s’est évanoui ; tout, privé d’existence,
À peine occupe encor l’humaine intelligence.
Mais toujours le langage est un besoin du cœur.
Et des vieux noms revient le souvenir flatteur.
Des astres maintenant ils occupent la sphère,
Ces esprits et ces dieux qui partagent la terre
Avec l’atome humain comme avec un ami,
Et de ce ciel d’azur, découvert à demi,