Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/59

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balançait encore. Le patron et son agent partagèrent l’honneur ; la récompense échut au dernier exclusivement. M Gilbert Glossin fut nommé clerc du tribunal de justice de paix, et le nom de Godefroy Bertram fut inséré dans une nouvelle commission de juge qui suivit immédiatement l’ouverture du parlement.

C’était là que tendait l’ambition de M. Bertram, non qu’il dût avoir la peine et la responsabilité de cette charge, mais il pensait que c’était une dignité qui lui était due, et que la méchanceté seule l’avait empêché d’occuper jusqu’alors. Mais il y a un vieux proverbe écossais bien véritable : « Les fous ne doivent pas avoir des bâtons pour frapper, » c’est-à-dire des armes offensives. M. Bertram ne fut pas plus tôt en possession de son autorité judiciaire si long-temps attendue, qu’il commença à l’exercer avec plus de sévérité que de douceur, et démentit entièrement la bonne opinion que son insouciance avait jusqu’alors fait concevoir de son bon caractère. Nous avons lu quelque part qu’un juge de paix nouvellement nommé écrivit au libraire qui tenait les statuts qui regardaient sa charge, avec l’orthographe suivante : « Envoyez-moi, je vous prie, la hache relative à Auguste des pois. » Sans doute que ce docte gentleman, lorsqu’il fut possesseur de la hache, tailla les lois comme des branches d’arbres. M. Bertram n’était pas tout-à-fait aussi ignorant dans la syntaxe anglaise que son digne prédécesseur : mais Auguste des pois lui-même n’aurait pas employé plus aveuglément l’arme qu’on lui avait si imprudemment remise.

Il considéra bien sérieusement la commission qu’on lui avait confiée comme une marque personnelle de la faveur du souverain, oubliant qu’il avait pensé d’abord que s’il avait été privé du privilège ou de l’honneur commun à tous ceux de son rang, ç’avait été le résultat d’une cabale montée contre lui. Il commanda à son fidèle aide-de-camp Dominie Sampson de lire la commission à haute voix, et à ces premiers mots : « Il a plu au roi de nommer… » — « Il a plu ! s’écria-t-il dans le transport de sa reconnaissance ; l’honnête homme ! je suis sûr que cela ne doit pas lui plaire plus qu’à moi. »

En conséquence, ne voulant pas restreindre sa reconnaissance à de simples sentiments ou à des mots, il se livra avec ardeur aux devoirs de sa place et s’efforça de prouver qu’il était digne de l’honneur qu’on lui avait accordé, en s’acquittant avec une activité sans relâche des soins de sa charge. « Nouveaux balais nettoient bien, dit-on, » et je peux moi-même porter témoignage qu’à l’arrivée