Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/60

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d’une nouvelle servante, les araignées, anciennes et héréditaires habitantes, qui avaient filé leurs toiles sur les dernières tablettes de ma bibliothèque (où sont principalement des livres de lois et de théologie), durant le règne pacifique de celle qui l’avait précédée, fuient avec vitesse devant le balai novice de la nouvelle mercenaire. De même le laird d’Ellangowan se montra sans pitié dans la réforme qu’il fit aux dépens des pillards et des voleurs établis depuis longtemps dans le pays et qui avaient été ses voisins pendant un demi-Siècle. Il faisait des miracles, homme un autre duc Humphrey, et par l’influence de sa baguette de justice il faisait marcher les boiteux, voir les aveugles et travailler les paralytiques. Il découvrait les braconniers, les pêcheurs en défaut, les voleurs de vergers et ceux qui tuaient les pigeons ; il eut pour récompense les applaudissements du tribunal, et dans le public la réputation d’un magistrat actif.

Tout ce bien avait aussi son mauvais côté ; un mal suivi et établi depuis long-temps ne doit pas être déraciné sans quelque précaution. Le zèle de notre digne ami enveloppa dans une mesure générale plusieurs personnages dont sa lâchesse[1] avait contribué à nourrir les habitudes de paresse et de mendicité ; ces habitudes étaient devenues pour eux une seconde nature qu’on ne pouvait pas changer, ou leur incapacité réelle pour le travail les rendait, suivant leur langage, des objets dignes de la charité des véritables chrétiens. Le mendiant, qu’on avait toujours vu et qui depuis vingt ans faisait régulièrement sa ronde dans le voisinage, et était plutôt reçu comme ami que comme objet de charité, fut envoyé dans la maison de travail voisine. La vieille femme décrépite qui courait la paroisse sur une civière, circulant de maison en maison comme un mauvais schelling que chacun se hâte de passer à son voisin (elle qui avait coutume de demander des porteurs aussi haut, ou plus haut même qu’un voyageur qui demande des chevaux de poste), partagea aussi le même sort désastreux. Le fou Jock, qui, moitié voleur, moitié idiot, avait été le jouet des générations successives des enfants du village pendant la plus grande partie d’un siècle, fut enfermé dans la maison de correction du comté, où, privé de l’air libre et des rayons du soleil, les seules choses dont il put jouir, il languit et mourut dans l’espace de six mois. Le vieux matelot qui, depuis si long-temps, visitait les solives enfumées de chaque cuisine du pays, en chantant le capitaine

  1. En français dans l’original. a. m.