Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/66

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tassent à un mille du château d’Ellangowan. Il n’y avait rien à répondre à cela, car le fait était trop évident et trop bien connu. Le laird digéra cet affront le mieux qu’il put, et en retournant chez lui, il chercha dans son esprit quel serait le meilleur moyen de se débarrasser de ces vagabonds, qui avaient imprimé une tache à sa réputation de magistrat. Il venait de se décider à saisir la première occasion de chercher querelle aux parias de Derncleugh, lorsque le hasard lui en offrit une.

Depuis la nomination de notre ami à la place de juge de paix, il avait voulu que la porte de son avenue, qui, n’ayant autrefois qu’un gond, restait en tout temps ouverte d’une manière hospitalière, il avait voulu, dis-je, que cette porte fût de nouveau garnie de gonds et bien peinte. Il avait aussi fait boucher avec des pieux entrelacés artistement de genêt épineux certains trous dans les haies de son enclos, à travers lesquels s’introduisaient les petits garçons égyptiens pour aller chercher des nids d’oiseaux dans les plantations, les vieillards du village pour abréger leur chemin d’un lieu à un autre, et les garçons et les filles pour les rendez-vous du soir, et tout cela sans faire offense ou sans demander permission à personne. Mais ces jours de calme étaient sur le point de finir, et une inscription menaçante, placée sur l’un des côtés de la porte, annonçait qu’on poursuivrait selon la loi (le peintre avait écrit qu’on persécuterait ; l’un vaut bien l’autre), quiconque oserait passer par dessus cette clôture. De l’autre côté de la porte, on avait, pour l’uniformité, eu la précaution d’annoncer qu’il y avait des fusils à ressort et des pièges si terribles, que, disait en lettres rouges un emphatique nota bene, « si un homme s’y trouvait pris, ils casseraient la jambe d’un cheval. »

Malgré ces menaces, six grands garçons égyptiens et autant de filles étaient montés à cheval sur la nouvelle porte, tressant des fleurs de mai qu’ils avaient, il n’était que trop évident, cueillies dans l’enceinte défendue. Ce fut du ton le plus imposant qu’il put prendre, que le laird leur commanda de descendre ; ils ne firent aucune attention à son ordre ; il commença à les pousser à bas l’un après l’autre ; les coquins au visage bronzé résistèrent, passivement toutefois, se tenant aussi fermes qu’ils pouvaient, ou bien regrimpant aussi vite qu’ils étaient descendus.

Le laird alors appela à son aide un de ses domestiques, vigoureux gaillard qui eut tout de suite recours à son fouet, dont quelques coups firent bientôt déguerpir la bande. Telle fut la première brè-