Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/80

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Le laird demeura quelque temps à se disputer avec son épouse. À la fin il vit reparaître le sloop de guerre, mais sans approcher du rivage ; il se dirigea vers l’ouest, toutes les voiles déployées, et fut bientôt hors de vue.

L’état d’alarmes et d’appréhension était tellement habituel chez la dame, que ses craintes ne faisaient rien à son seigneur et maître ; mais un air de trouble et d’anxiété parmi les domestiques excita ses inquiétudes, surtout lorsqu’il fut appelé hors de la chambre, et qu’on lui eut dit en particulier que le cheval de M. Kennedy était revenu à la porte de l’écurie tout seul, la selle renversée sous son ventre et la bride cassée, et qu’un fermier les avait informés en passant qu’il y avait un lougre de contrebandiers enflammé comme une fournaise, de l’autre côté de la pointe de Warroch, et que, quoiqu’il fût venu à travers les bois, il n’avait vu ni entendu Kennedy, ou le jeune laird ; seulement il avait rencontré Dominie Sampson courant comme un insensé, et les cherchant.

À cette nouvelle tout fut en mouvement à Ellangowan. Le laird et ses domestiques mâles et femelles coururent au bois de Warroch ; les tenanciers et les paysans du voisinage vinrent offrir leur secours, moitié par zèle, moitié par curiosité. Quelques-uns montèrent sur des barques pour visiter le rivage de la mer, qui, de l’autre côté de la pointe, s’élevait en rochers hauts et escarpés. On avait un vague soupçon, quoique trop horrible à exprimer, que l’enfant pouvait être tombé du haut de ces rocs élevés.

La nuit commençait à venir lorsqu’ils entrèrent dans le bois et se dispersèrent de différents côtés pour chercher l’enfant et Kennedy. L’obscurité du crépuscule et les rauques sifflements du vent de novembre à travers les arbres dépouillés, le bruissement des feuilles blanchies qui jonchaient les clairières, les cris répétés que poussaient souvent les différentes bandes dans l’attente de rencontrer l’objet de leurs recherches, tout cela donnait une horrible sublimité à cette scène.

À la fin, après beaucoup de recherches inutiles, les explorateurs se réunirent en une seule troupe, afin de se communiquer leurs découvertes. Le père ne pouvait plus cacher son désespoir, qui égalait cependant à peine le chagrin du précepteur. « Plût à Dieu que je fusse mort à sa place ! » répétait l’affectueuse créature, du ton de la plus grande désolation. Ceux qui étaient moins intéressés à l’événement se jetaient dans une discussion tumultueuse sur les chances et les probabilités ; chacun donnait son opinion et adoptait alterna-