Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/98

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enlever subitement l’enfant des bras du jaugeur… Alors celui-ci lutta et tira son épée… Car vous savez que c’était un homme courageux, et un gaillard qui ne craignait pas le diable. — Je crois que cela est vrai, dit le postillon. — Ainsi, monsieur, elle le saisit et le lança, comme la fronde lance la pierre, par dessus le promontoire de Warroch, où il fut trouvé le soir. Ce que devint l’enfant, franchement je ne saurais le dire. Mais le ministre d’alors, qui depuis ce temps a eu une meilleure cure, pensait qu’il avait été transporté dans le pays des fées pour un temps. »

L’étranger avait légèrement souri à quelques endroits de ce récit ; mais avant qu’il eût pu répondre, on entendit le bruit des pas d’un cheval, et un domestique bien habillé, ayant une cocarde à son chapeau, entra dans la cuisine d’un air empressé, disant : « Un peu de place, bonnes gens. » Mais en apercevant l’étranger, il reprit tout-à-coup sur un ton modéré et poli, en ôtant son chapeau et remettant une lettre à son maître : « La famille d’Ellangowan, monsieur, est dans un grand malheur, et on ne peut recevoir aucune visite. — Je le sais, reprit son maître. Et maintenant, madame, si vous voulez avoir la bonté de me permettre d’occuper le salon dont vous m’avez parlé, puisque vos hôtes ne viendront point… — Certainement, monsieur, » dit mistress Mac-Candlish. Elle prit la lumière, et l’éclaira avec tout l’empressement qu’une hôtesse active aime à déployer en pareille occasion.

« Jeune homme, dit le diacre au domestique en remplissant un verre, cela ne vous fera pas de mal après votre course à cheval. — Cela est très vrai, monsieur ; je vous remercie : à votre bonne santé, monsieur. — Et quel est votre maître, l’ami ? — Quoi, le gentleman qui était là ? C’est le fameux colonel Mannering, qui arrive des Indes orientales. — Quoi ! celui dont on a tant parlé dans les journaux ? — Oui, oui, c’est justement le même ; c’est lui qui secourut Cuddieburn, qui défendit Chingalore et défit le grand chef des Marattes, Ram Jalli Bundleman. Je l’ai suivi dans presque toutes ses campagnes. — Dieu nous protège ! dit l’hôtesse. Il faut que j’aille voir ce qu’il veut pour son souper ; et je l’ai fait rester dans la cuisine ! — Oh ! il aime tout ce qu’il y a de meilleur, la mère. Vous n’avez jamais vu dans votre vie un homme plus simple que le colonel, et cependant il a quelquefois le diable au corps. »

Le reste de la conversation de la soirée dans la cuisine étant peu intéressant, nous monterons, avec la permission du lecteur, dans le salon.