Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/28

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avaient battu en retraite, et il fut réduit à s’abaisser à une explication.

« Que voulez-vous, mes maîtres ? dit-il. Convient-il à de braves soldats, et qui craignent Dieu, à des soldats qui ont bien mérité de la patrie, d’exciter le désordre et la confusion dans une église, de se déclarer les soutiens, les défenseurs d’un profane, qui, un jour d’actions de grâces solennelles, exclut le ministre de sa chaire ? — Nous n’avons rien à démêler avec ton église, comme tu l’appelles, » répondit un militaire, qu’à une petite plume placée sur le devant de son morion on pouvait reconnaître pour le caporal du détachement. « Nous ne voyons pas pourquoi les hommes inspirés par la Divinité ne seraient pas entendus dans les citadelles de la superstition aussi bien que ceux qui autrefois portaient des soutanes et qui ont pris aujourd’hui le manteau. Nous jetterons donc ce Jack-Presbyter en bas de sa guérite de bois : notre sentinelle le relèvera de garde, montera à sa place, criera sans se ménager. — Eh bien ! messieurs, si telle est votre intention, dit le maire, il serait inutile de vous en empêcher, nous qui ne sommes, comme vous le voyez, que de paisibles bourgeois. Mais laissez-moi d’abord parler à ce digne ministre Nehemiah Holdenough, pour l’engager à vous céder la place pour le moment, sans plus de scandale. »

Le pacifique magistrat interrompit les chants de maître Holdenough et de son clerc, et les pria tous deux de se retirer, pour éviter qu’on n’employât la violence.

« La violence, » répondit le ministre presbytérien avec mépris ; « elle n’est pas à craindre chez des hommes qui n’osent pas témoigner contre cette profanation scandaleuse de l’Église et cette audacieuse prétention de l’hérésie. Vos voisins de Banbury souffriraient-ils une telle insolence ? — Allons, allons, monsieur Holdenough, reprit le maire, ne provoquez pas une émeute, et ne nous réduisez pas à crier aux bâtons[1]. Je vous le dis encore une fois, nous ne sommes pas des hommes de guerre, et n’aimons pas le sang. — Vous n’en avez pas autant qu’on en pourrait faire sortir avec la pointe d’une épingle, » répondit le prédicateur avec dédain. « Vous, tailleur de Woodstock[2] ; car, qu’est-ce qu’un gantier, sinon un

  1. Allusion à l’esprit de corps des apprentis de Londres, dont un seul en querelle avait besoin, sous Élisabeth, que de crier aux bâtons ! pour voir accourir à son secours ses compagnons ou acolytes, armés de gourdins. a. m.
  2. Le nom de tailleur fut long-temps un terme de honte ou d’opprobre en Angleterre, parce que les gens de cette profession y passaient pour voleurs, comme en d’autres contées ; ici notre interlocuteur fait à cette opinion vraie ou fausse une allusion toute directe pour les gantiers de Woodstock, ville encore aujourd’hui renommée par ses fabriques de gants. a. m.