Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/38

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chasse : et qui sait quels services j’aurais pu rendre ? Les conseils d’un vieillard sont quelquefois utiles quand son bras ne peut plus rien. Mais Albert et vous avez voulu qu’il partît seul… qui peut dire maintenant ce qu’il est devenu ? — Non, non, mon père, ce n’est pas sans raison que nous pouvons espérer qu’Albert a survécu à ce jour fatal ; le jeune Abney l’a vu à un mille du champ de bataille.

— Le jeune Abney a menti, je pense, » dit le père avec la même humeur de contradiction ; « le jeune Abney est plus fort en paroles qu’en actions, surtout lorsque les têtes rondes le poursuivent. J’aimerais mieux que le cadavre d’Albert fût tombé entre Charles et Cromwel, que d’apprendre qu’il s’est sauvé vivant aussi vite que le jeune Abney. — Mon très cher père, » dit la jeune femme en sanglotant, « que puis-je donc vous dire pour vous consoler ? — Me consoler, dis-tu, ma fille ? c’est impossible… Une mort honorable et les ruines de Woodstock pour tombeau, voilà les seules consolations qu’il faut au vieil Henri Lee. Oui, par la mémoire de mon père ! je tiendrai bon dans la Loge contre ces rebelles brigands… — Soyez raisonnable, mon cher père, et soumettez-vous à ce que nous ne pouvons empêcher. Mon oncle Éverard… »

Là le vieillard irrité s’écria sans lui donner le temps de finir sa phrase : « Ton oncle Éverard, malheureuse !… Eh bien ! continue… qu’as-tu à dire de ton précieux et cher oncle Éverard ? — Rien, mon père, ce sujet de conversation peut vous déplaire. — Me déplaire, continua-t-il ; et quand bien même, serait-ce une raison pour que toi ou d’autres s’abstinssent d’en parler ? Qu’est-il arrivé depuis quelques années ?… Que peut-il arriver encore de tout ce qu’un astrologue peut prévoir, qui nous cause du plaisir ? — Le Destin, répondit-elle, réserve sans doute pour l’avenir la restauration de notre prince banni. — Il est trop tard pour moi, Alice ; s’il se trouve une page si blanche dans le livre du Destin, elle ne sera retournée que long-temps après mon dernier jour. Mais je vois que tu veux m’échapper… Bref, qu’as-tu à dire de ton oncle Éverard ? — Non, mon père, Dieu m’est témoin que je garderais plutôt le silence toute ma vie que de dire une chose qui, par le sens que vous lui prêteriez, ajouterait encore à votre indisposition. — À mon indisposition ! oh ! tu es un médecin aux lèvres mielleuses, et tu prodiguerais, j’en suis sûr, le baume, le miel et l’huile les plus doux pour me guérir… si l’on peut toutefois donner ce nom aux douleurs d’un vieillard qui a le cœur presque brisé… Encore une fois, qu’avais-tu à me dire de ton oncle Éverard ? »