Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/139

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chiré l’écrit que nous avions fait entre ses mains ; et qu’il n’y avoit pas apparence de m’attraper avec l’avance que j’avois, et ayant pris mes mesures à loisir comme j’avais fait. On tourna autrement cette réponse dans le monde, et vous avez bien peut-être ouï dire les vers qu’on fit dessus, qui commencent,

Mazarin triste, pâle, et le cœur interdit,

et qui finissent par cette plaisanterie sur la révélation qu’il avoit eue pendant la grande maladie de la Reine, touchant le Roi et Mme de la Vallière,

Ma pauvre femme, hélas ! qu’est-elle devenue ?
La chose, dit le Roi, vous est-elle inconnue ?
L’Ange qui vous dit tout ne vous l’a-t-il pas dit14 ?

M. Mazarin, voyant qu’il ne pouvoit rien obtenir du Roi, s’en fut trouver M. Colbert, qui lui conseilla d’envoyer en diligence après moi quelques personnes de créance m’offrir tout ce que je voudrois pour revenir : ce fut un lieutenant de l’artillerie nommé la Louvière, et vous jugerez par le lieu où il me joignit, que le Roi avoit eu raison de dire qu’il n’étoit plus temps de me suivre.

Pendant que ces choses se passoient à la Cour, je courois une étrange carrière, et je vous avoue que si j’en avois prévu toutes les suites, j’aurois plutôt choisi de passer ma vie entre quatre mu-


14. M. Mazarin alla un jour trouver le Roi, pour l’informer que l’ange Gabriel lui étoit apparu, et l’avoit chargé de dire à Sa Majesté de renvoyer Mme de la Vallière : Il m’a aussi apparu, lui répondit ce Prince, et m’a assuré que vous étiez fou.